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« Je crois, mon ange, qu’il serait inutile de communiquer au Régent l’écrit dont tu fais mention ! Supposé même qu’il lui fit impression, elle n’aurait que la durée d’un moment. Il est entouré avec trop d’assiduité pour que je ne sois sûre qu’on dissiperait immédiatement toute réflexion heureuse qui puisse lui venir ; tu ne ferais donc que porter des coups inutiles aux principes dominans et il me paraît que le sage ne doit pas prodiguer ses conseils à des gens d’autant plus sourds qu’ils ont tout intérêt à ne pas entendre ; et quoique je sois très persuadée que le Duc ne protège pas le Jacobinisme de son propre chef, on le fait agir en sa faveur lorsqu’il croit s’y opposer. Mais le moment approche où le principe du gouvernement doit se démasquer, puisque l’argent français est en chemin, et il faudra bien alors déclarer positivement si nous sommes les ennemis ou les alliés de la France. Là on ne se contentera pas de promesses équivoques et de puérils faux-fuyans… »

« Quant à la lettre, je ne m’avancerai pas davantage avant de recevoir ta réponse du rapport que je te lis de la mal réussite de ma première démarche auprès du Roi et si tu veux que je revienne à la charge.

« De grâce, mon ange, point d’humeur sur ma lettre du 25. Partageons les torts. Si mon bästa pojken se croyait des raisons pour être inquiet de la rivalité des histoires, je m’en croyais autant d’être fâchée en le voyant encore porter le plus tendre comme le plus constant attachement à ta femme. Pourquoi, mon bästa pojken, devions-nous jamais être séparés ? Etant l’un à l’autre, nos joies comme nos peines devraient s’écouler ensemble… Oui, aimons-nous jusqu’au trépas ; il ne peut en être autrement. Je te jure que ma constance et mon amour sont incapables de changer… »

15 mars. — « Gyldenstolpe fut chez moi hier pour me prier de lier conversation avec le Roi et chercher à ramener en lui ses anciens sentimens, car il était excessivement alarmé des changemens, du refroidissement qu’il remarque en lui. Je lui lis sentir alors, quoique indirectement, que j’avais eu l’occasion de m’apercevoir de la même chose et redoutant que mon raisonnement ne lui fit aucune impression, attendu que son opinion à mon égard s’est cruellement modifiée, je profitai de l’occasion pour lui faire sentir, avec énergie, mais sans l’offenser, que c’était une suite de sa trop grande faiblesse à lui. Au lieu de