Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/590

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

lorsqu’il verrait l’Italie crispinienne s’y essayer, ne ferait rien pour encourager cette emphase.

On avait affaire, en lui, à un joueur très agile, au jeu ferme et serré, prompt à s’afficher, prompt à s’effacer, sachant, suivant les heures, se mettre en vue, ou bien être introuvable ; très entrant, lorsque l’exigeaient ses fins, mais jamais encombrant ; ne ménageant pas ses courses, ne craignant pas les escaliers, habile à s’arrêter dans les antichambres où les murs avaient des oreilles, à y dire ce qu’il voulait dire, et ayant des oreilles, lui aussi, pour écouler ; toujours prêt à venir causer, à badiner aussi longuement que c’était nécessaire, à se taire sur les choses sérieuses sans pour cela cesser d’y songer ; fermement convaincu que les plus petits sont parfois les plus puissans ; assez familier d’allures pour mériter de plaire aux plus petits, et sachant abriter, derrière cette familiarité même, toutes sortes d’indiscrets manèges, flatteurs pour leur puissance ou pour l’illusion qu’ils en avaient ; exploitant avec maîtrise tous les moyens, grands ou futiles, dont dispose, pour agir, un familier de Rome ; étalant, comme une originalité imprévue chez un messager bismarckien, certaines complaisances apparentes pour la Rome papale ; d’autant plus avenant par sa bonne humeur, par son air de bien s’amuser, par sa bonne grâce à se rendre amusant, que l’on pouvait craindre, chez un ami du chancelier, des plissemens de front et des raidissemens de torse. Tel était Conrad de Schloezer, que le prince de Bismarck dépêchait à Rome pour marchander, retarder ou accélérer la paix, et qui, à la longue, lorsque Bismarck décidément la voudrait, la ferait.

Il prit le chemin de Rome, en juillet 1881, avec mission de causer. Le Pape, recevant des pèlerins allemands le jour de l’Ascension, leur avait dit : « Nous visons avec constance à supprimer les causes du conflit et à rétablir une paix durable. » Schloezer étudia les visées pontificales, revint à Berlin voir le chancelier, et puis repartit pour Rome : ce second voyage, succédant de très près au premier, fut remarqué. Bismarck, deux ans plus tôt, voulait que les envoyés du Vatican vinssent conférer à Berlin ; il acceptait, aujourd’hui, qu’un envoyé du Hohenzollern allât conférer à Rome.

Les évêques de Prusse, réunis en juillet à Aix-la-Chapelle, persistaient à déclarer que les prétentions prussiennes au sujet de la nomination des curés étaient inacceptables ; ils constataient