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« Eh bien ! j’y vais avec vous ! » s’exclama le maréchal. A peine la vision du péril avait-elle lieu, que le maréchal, me serrant la main, me disait affectueusement et rapidement : « Merci. Dites au général de Cissey que je compte sur lui pour me soutenir. »

Le maréchal renforce à la hâte Saint-Privat, effectivement assez dégarni de troupes, parce que le gros du 6e corps avait été amené à s’étendre sur sa droite, dans la crainte d’un mouvement tournant dirigé par le général allemand Steinmetz, qui, d’après le maréchal, voulait le séparer de Metz.

L’attaque de Saint-Privat déjà prévue a donc lieu ; les troupes à l’aile gauche du corps Canrobert sont écrasées et refoulées de Saint-Privat malgré leur éclatante bravoure, la situation devient pour nous des plus dangereuses, puisque la ligne de bataille française sera tout à fait rompue, si les Allemands réussissent et parviennent finalement à occuper le village.

C’est alors qu’intervient, si utilement et si efficacement, proprio motu, la division de Cissey. Par un rapide changement de front sur sa droite, qui reste toujours appuyée à Saint-Privat, notre division se place à petite portée de fusil, face au flanc droit de la colonne d’assaut allemande. Elle la décime en moins d’un quart d’heure par une fusillade des plus rapides ; elle arrête net l’élan des troupes chargées de l’attaque, qui subissent alors les pertes les plus terribles, voyant nombre de fois tomber leurs drapeaux dont les porteurs sont tués successivement !

Ah ! si, à ce moment psychologique, le secours des réserves tant de fois réclamées était survenu, c’était la victoire, la brillante victoire !

Le maréchal Bazaine, loin du champ de bataille, ne savait pas ce qui se passait alors !

Bientôt les Allemands se ressaisissent, de nouveaux groupes d’artillerie viennent s’ajouter à la masse des pièces déjà en position ; un feu d’une intensité inouïe, puisque les obus tombaient comme grêle, s’abat sur notre division, la décime et l’écrase.

Pour donner une idée de la violence de ce feu de l’artillerie allemande, une batterie française, rencontrée disponible en arrière de notre ligne de feu, y avait été amenée par le capitaine de la Boulaye, de notre état-major. Ouvrant son feu aussitôt après sa mise en batterie, elle fut immédiatement repérée par l’artillerie allemande, et si vite écrasée, qu’elle ne put tirer qu’un