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faudra bien alors avouer, avec MM. de Wyzewa et de Saint-Foix, que « le produit de l’élève contient pour ainsi dire plus de musique, une portée expressive plus haute et une réalisation plus parfaite que n’en contenait son modèle immédiat. Et cela « sans compter un certain don mystérieux de vie artistique, qui toujours nous fera apparaître comme un seul et même ensemble un chef-d’œuvre de Mozart. » Enfin et surtout lorsque les deux auteurs, quittant, comme ils font souvent, comme on leur sait gré de le faire, le langage technique, en viennent à nous parler « de ce secret de simple et transparente beauté, de cette mélodie constante et vraiment « infinie, » de ce don de transfigurer toutes choses en chant ; » de ce besoin irrésistible, continu, absolu, de vivre en beauté et de représenter ainsi toute vie et toute la vie, alors il semble bien qu’on ne puisse manquer de reconnaître ici, dégagée des antécédens ou des alentours, la personnalité, bien plus, l’essence, et la plus pure, du génie de Mozart.

Elle se répand à travers le livre et, tout entier, le pénètre. On la respire en chacune des œuvres citées, de la première à la dernière. Oui, la première de toutes, un petit menuet composé par Wolfgang à l’âge de six ans (janvier 1762) est déjà du Mozart. « Le style est encore d’une simplicité tout enfantine ; la basse reste sèche et pauvre, se bornant à marquer le rythme. » Mais comparez-le seulement avec un autre menuet, gravé sur la même page, dont l’auteur est le père de Wolfgang et son premier maître : vous sentirez aussitôt la différence profonde, l’abîme entre les deux natures, « et combien l’enfant, par instinct, » avait déjà « le don de faire chanter sa musique, de la rendre vivante. »

En ce peu de notes, les premières que l’imagination de Mozart ait conçues, que ses petites mains aient jouées, je ne sais quoi nous émeut et nous attendrit. Le premier volume de MM. de Wyzewa et de Saint-Foix s’ouvre sur cette citation. Le second se ferme, ou peu s’en faut, sur une autre, qui, pour d’autres raisons, peut également nous toucher. L’œuvre, dont on lit ici les quatre premières mesures, est un graduel pour la fête de la Vierge. Daté du 9 septembre 1777, lendemain de la Nativité, peut-être fut-il composé pour la dite fête et recopié le jour suivant, il est écrit pour quatre voix, avec accompagnement de quatuor et d’orgue, en contrepoint aisé. Quelques traces de styles « galant, » ça et là certaine concession au goût profane s’y découvrirait sans peine. L’expression générale du petit morceau n’en est pas moins pieuse et tendre, le recueillement profond avec simplicité. « Nulle part autant que dans ce Sancta Maria, — jusqu’à l’Ave