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d’ampleur et d’intensité. Los patriotes tchèques se hâtèrent de profiter des libertés que la Charte leur promettait. Le sentiment national, si longtemps comprimé, éclata en bruyantes fanfares. La littérature et l’art s’unirent pour chanter la diane de l’émancipation. Des journaux se fondèrent, les sociétés patriotiques pullulèrent.

En 1863, Palacky écrivit une étude politique : La raison d’être de l’Autriche, qui fut très remarquée à cause surtout de la position que l’auteur y prend contre le dualisme qui commençait à ce moment à poindre à l’horizon.

Peu après, les hommes politiques tchèques se divisèrent en deux partis : l’un, parti conservateur, libéral-national, se préoccupait surtout de droits et de traditions historiques et poursuivait la reconstitution du royaume de Bohème : il avait à sa tête Palacky, Rieger et le clan des Vieux-Tchèques. Il trouva un appui auprès de la noblesse bohème. L’autre [parti, radical-démocrate, invoquait surtout le droit naturel. Il trouvait son soutien dans le peuple et avait pour chefs Gregr, Sladkovsky et d’autres pionniers du parti jeune-tchèque.

Pendant que cette crise de croissance poursuivait son cours en Bohème, à Vienne les événemens se précipitaient. Schmerling, forcé de donner sa démission, cédait le pas à Belcredi qui cherchait en premier lieu à apaiser les Hongrois. Le compromis de 1867, la division de la monarchie habsbourgeoise en deux Etats augmenta le désarroi politique de la Bohème. Les députés tchèques protestèrent contre l’institution d’un Parlement central, à Vienne, pour tous les pays cisleithans et réclamèrent un arrangement à l’instar de celui que la couronne venait de conclure avec les Hongrois. Le gouvernement de Vienne resta sourd à ces réclamations. Il fit procéder à de nouvelles élections pour la Diète de Bohême ; elles se tirent sous la pression du gouverneur et donnèrent la majorité au parti constitutionnel contraire au rétablissement de l’autonomie de la Bohême. Les députés tchèques s’abstinrent alors pour plusieurs années de participer aux travaux parlementaires et ne consentirent à reprendre leurs sièges au Reichsrath de Vienne que lorsque l’empereur François-Joseph eut signé, en 1871, le Rescrit impérial, qui donna satisfaction aux légitimes aspirations des Tchèques. Le comte Hohenwart, président du Conseil, inspirateur du Rescrit ne put tenir contre la campagne furibonde que les Allemands et les