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Tout ce qui subsistait de l’ancienne autonomie du pays, comme la Chancellerie aulique bohème, représentation des plus hauts pouvoirs régionaux, fut supprimé par Marie-Thérèse. Joseph II se montra encore plus ardent que sa mère à transformer le conglomérat d’élémens hétérogènes, dont est formée la monarchie danubienne, en un Etat uniforme et centralisé. Son rêve était de construire un Etat national, uni par la même législation, la même administration et la même langue, — l’allemand, — qui devait supplanter dans les pays slaves la langue autochtone. Ce moment où lame de la nation semble sur le point de disparaître, est celui où elle se réveille et se révolte. Pour empêcher la disparition de l’idiome national, quelques savans bohèmes à l’exemple de Dobrovsky, le premier des slavistes, entreprirent de restaurer la langue tombée au rang de patois, de créer une littérature nouvelle et de rendre au peuple le sentiment de sa nationalité. Ils n’étaient d’abord qu’une poignée, mais comme ils interprétaient un sentiment partagé par tous les hommes éclairés chez qui le souvenir de la Bohème indépendante n’était pas éteint, leur voix trouva dans le pays un écho retentissant, et l’essai réussit au-delà de toute espérance. Ce mouvement régénérateur qui empêcha, au moment du danger suprême, l’absorption du peuple tchèque, eut Prague pour foyer. De là il ne tarda pas à s’étendre à la province et aux pays voisins, la Moravie et la Silésie.


Palacky commença en 1818 à prendre part à cette noble émulation littéraire et nationale. Il écrivit en collaboration avec Safarik, l’auteur des Antiquités slaves, un manifeste, Les débuts de la Poésie tchèque, qui attira l’attention sur le jeune écrivain. Il était alors préoccupé surtout de philosophie et d’esthétique ; il prit goût à l’histoire après avoir lu quelques anciennes chroniques de Bohème, les livres de Dalimil et de Hajek, avec ceux de Komensky et de Veleslavin. Il ne pensa plus dès lors qu’a écrire l’histoire de Bohême, voyant dans le passé la promesse de l’avenir et dans l’histoire l’instrument de la résurrection.

Un passage d’une lettre qu’il écrivit en 1822 à son ami Kollar, le célèbre chantre de la Fille de Silva, nous fait voir sa résolution de se faire l’historien de son pays. « Mon parti est pris, dit-il, je suis fermement décidé à écrire l’histoire de Bohême. Si