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le visage, et, soutenu par l’un des siens, semble dormir, tout en se balançant sur la bosse du dromadaire.

Ce ne sont pas des soldats turcs.

Bédouins de la région, montagnards du Djebel-Nefoussa, nomades du désert, où vont-ils à travers l’étendue plate et monotone ? Quand atteindront-ils la paillote grouillante de vermine, la tente en loques, où, privés de tout soin, ils s’étendront sur le sol muets et résignés ?

La chaleur du jour, le froid intense des nuits les accableront, les cingleront tour à tour. S’ils guérissent, ils retourneront au combat. Et pour défendre quel pays de misère et de désolation ! Héros obscurs, soumis à cet instinct puissant qui pousse tout homme à lutter contre l’envahisseur, ils accompliront leur destin en idéalistes, préférant la misère de leur clan à la prospérité que l’ennemi leur offre par-delà ses canons.


La guerre durera-t-elle longtemps encore ?

C’est la question que l’on est tout naturellement porté à se poser.

D’un côté, 120 000 Italiens, un outillage formidable mais qui s’use. De l’autre, 10 000 Tripolitains armés de façon rudimentaire.

D’un côté, l’inertie, la temporisation. De l’autre, la sobriété, l’entraînement séculaire à vivre dans ces régions déshéritées, le goût de l’indépendance, le sentiment guerrier le plus exalté.

Dans ces conditions, il est difficile de rien augurer de la suite des événemens.

Toutefois, les Italiens se fortifient dans leurs positions, et apprennent à connaître un adversaire qui a plus de fougue que de persévérance.

Les tribus tripolitaines, comme celles de toute l’Afrique du Nord, manquent d’entente, de cohésion. Lors de la conquête de l’Algérie, indépendamment de nos qualités d’ordre, de méthode, de bravoure, ce manque de cohésion fut toujours un facteur important du succès de nos armes en Afrique. Il est à présumer que les Italiens arriveront un jour à le reconnaître et à en profiter.

Alors, ils avanceront progressivement dans le pays, et l’histoire seule pourra dire si les résultats qu’ils auront obtenus valaient un pareil effort.


R. –H. DE VANDELBOURG.