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l’avait exprimée verbalement : il voulait que le Régent fût assisté d’un conseil.

Profitant des obscurités de rédaction qui rendaient imprécises les attributions de ce conseil, le duc de Sudermanie refusa d’adhérer au codicille. Il ratifia les dispositions de son frère en ce qui touchait la nomination d’Armfeldt comme gouverneur général de la capitale et le maintien de Gyldensdolpe et de Rosenstein dans leurs fonctions auprès du roi mineur. Mais, en lisant la clause constitutive d’un conseil de régence, il s’écria :

— Qu’est-ce que cela signifie ? C’est incompréhensible. Je ne puis être Régent dans ces conditions.

Il consulta pour la forme le chancelier de Justice. Après avoir pris son avis, il annula purement et simplement la disposition qui réduisait ses pouvoirs en lui imposant des conseillers par qui devaient être approuvés ses actes. Armfeldt perdait ainsi la possibilité d’intervenir dans la conduite du gouvernement et d’y exercer son influence.

Sans doute, en confiant à sa sollicitude le jeune roi, en lui faisant promettre de ne le quitter jamais, enfin en le nommant gouverneur général de la capitale, Gustave III lui avait donné les moyens d’étayer l’autorité qu’il entendait lui conserver et Armfeldt aurait pu croire qu’elle ne serait pas atteinte s’il n’avait connu la malveillance du duc de Sudermanie à son égard. Mais il en possédait trop de preuves pour l’ignorer.

Elle datait de loin et tenait à plusieurs causes. La plus ancienne résultait de la faveur même dont il avait joui au temps du feu Roi. Tenu par son frère à l’écart de la politique et convaincu que cette marque humiliante de défiance était due au favori, le duc s’était souvent trouvé du côté de ses adversaires, trop souvent même pour qu’Armfeldt pût se faire illusion quant aux sentimens qu’il lui inspirait. On a toujours vu les courtisans honorés de l’amitié de leur souverain, jalousés par les membres de sa famille : sur ce point, le Régent ne démentait pas la tradition.

À cette première cause de son inimitié plus ou moins dissimulée du vivant de Gustave, était venue, dans ces derniers temps, s’en ajouter une autre d’une origine toute différente. Il s’était épris de Madeleine de Rudenschold et n’avait pas craint de le lui avouer. L’accueil fait à ses aveux n’étant pas de nature