Page:Revue des Deux Mondes - 1912 - tome 10.djvu/360

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

paraissent-elles pas quelquefois contribuer à nous conduire au sort qui nous est destiné ? Afin de pouvoir oublier Armfeldt, j’aurais dû éviter de le voir et de me trouver quotidiennement dans sa société. »

Le silence des documens qui nous servent de guide ne permet pas de préciser l’époque à laquelle furent échangés entre Madeleine et le favori du Roi les aveux décisifs. Il est certain toutefois qu’au moment du mariage d’Armfeldt, ils ne s’étaient encore rien dit, mais que, vers le milieu de l’année suivante, ils n’avaient plus rien à s’apprendre.

Dans sa confession écrite, nous l’avons dit, lorsqu’elle était déjà la maîtresse d’Armfeldt, elle rappelle encore que Gustave III, loin de mettre obstacle à leur liaison, la favorisa et que parfois même, en l’absence de l’amant, il s’inquiéta plus que de raison des coquetteries dont la maîtresse se faisait un jeu vis-à-vis d’autres personnes. « Cette faiblesse, dit-elle, n’était qu’une conséquence de ma vanité et de mon désir d’être toujours la plus jolie et Armfeldt le savait. » Au reste, Gustave III s’était rassuré en apprenant à la connaître. Il avait acquis la conviction qu’elle n’abuserait jamais des confidences qu’Armfeldt pourrait lui faire au sujet des affaires de l’Etat auxquelles d’ailleurs elle ne prétendait pas être initiée. Ce qu’elle voulait gagner surtout, c’était l’entière confiance de son amant, le droit de lire dans son cœur « qu’elle souhaitait de captiver par un sentiment plus fort que l’amour, qui, chez lui, n’était jamais de longue durée. »

« Personne n’a été plus léger que lui ; mais personne n’a su mieux que lui obtenir le pardon de sa légèreté. Même le cœur qui était le plus épris de lui se sentait heureux du don de son amitié lorsque son amour s’était évanoui. Il sait y donner une telle chaleur qu’elle laisse l’illusion de ce qui a été. »

Il suffit de regarder à la vie intime d’Armfeldt pour reconnaître combien était exact et juste le jugement qu’on vient de lire. Son existence en effet abonde en aventures romanesques où les femmes qu’on y voit figurer se montrent aussi promptes à lui pardonner ses infidélités que passionnément attachées à lui. C’est qu’il a été de bonne foi quand il leur jurait un éternel amour et qu’elles en sont convaincues. Mais, ce qui ne laisse pas d’être plus surprenant, c’est que, lorsqu’il les trompe, il leur en fait l’aveu en se lamentant sur ses faiblesses, en sollicitant