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qui a relevé les autels. » Et c’est à ce parti-là qu’appartenait Chateaubriand.

Il est fâcheux qu’une idée générale juste, mais poussée trop loin et développée avec trop de raideur, fasse du livre de M. Cassagne un guide parfois assez dangereux dans l’étude de Chateaubriand et donne à son information même quelque ; chose d’un peu tendancieux. Car je n’ai pas assez dit de combien de recherches à travers les imprimés, les journaux et les documens d’archives témoigne ce premier volume sur la Vie politique de Chateaubriand, et tout ce qu’on y peut puiser d’indications intéressantes et utiles pour écrire la biographie de son héros. Par exemple, M. Cassagne a, sur la manière dont a été lancé le Génie du Christianisme, tout un chapitre très neuf, très curieux, et qui, s’il n’est peut-être pas définitif, sera sans doute une révélation pour bien des lecteurs. Pareillement, la vie, assez mal connue jusqu’ici, de Chateaubriand sous l’Empire, est, sinon complètement débrouillée, tout au moins serrée d’assez près, et, notamment en ce qui concerne les rapports du grand écrivain avec Napoléon, elle s’enrichit d’un certain nombre de détails assez nouveaux. Et enfin, quand l’auteur en arrive à la chute de l’Empire, c’est-à-dire au début de la vraie vie politique de Chateaubriand, — c’est-à-dire, déclarera quelque malveillant, à son vrai sujet, — les objections que j’ai cru devoir présenter tout à l’heure n’ont presque plus ici de raison d’être. Soit qu’il maîtrise mieux son sujet et sa matière, soit que la vraie physionomie de Chateaubriand homme politique s’impose à lui avec plus de force et de relief, il voit désormais son héros assez bien tel qu’il est, et il lui rend une justice plus pleine et plus exacte. Il y a là près d’une centaine de pages qui sont, à n’en pas douter, à tous égards, et même pour la forme, les meilleures du volume. Si, comme il y a tout lieu de l’espérer, le ou les volumes qui suivront celui-ci[1], — car j’ai peine à croire, surtout s’il se pique d’établir quelque proportion entre les différentes parties de son œuvre, que M. Cassagne puisse réaliser son dessein et faire tenir en un seul volume tout ce qui lui reste

  1. Pour la suite de son travail, M. Cassagne trouvera d’abondans et curieux renseignemens dans le livre qui vient de paraître de M. le comte d’Antioche, Chateaubriand ambassadeur à Londres (1822), d’après ses dépêches inédites (1 vol. in-8 ; Perrin) ; il ressort de ce volume que cette courte ambassade est très loin d’avoir été inutile au point de vue des intérêts français, et que Chateaubriand s’est très vite révélé un très actif et très clairvoyant diplomate.