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Des publications comme celle qu’a entreprise M. Louis Thomas sont donc nécessairement provisoires. Il ne s’ensuit pas qu’elles ne doivent être exécutées avec les scrupules de précision et d’exactitude qu’aujourd’hui plus que jamais, — car ces scrupules sont de date récente, — on exige des travaux de cette nature. Un premier point, sur lequel nous ne transigeons guère, c’est le parfait établissement des textes qu’on nous livrer. Il semble bien que, sur cet article, le nouvel éditeur nous donne très suffisante satisfaction, et il y avait peut-être d’autant plus de mérite que quelques-uns de ses prédécesseurs lui avaient, à cet égard, légué d’assez mauvais exemples. Il indique toujours la source ou les sources où il puise, et, presque toutes les fois qu’il en a la possibilité, il collationne le texte sur les originaux. Certaines lettres, dont il avait déjà publié le texte fautif ou incomplet d’après les imprimés, lui ayant été communiquées en cours d’impression, il a pris le parti de les reproduire, en leur teneur exacte, dans un Supplément. Et à ce propos, j’ai bien envie de chercher une petite querelle à M. Louis Thomas. Il reproduit dans son Supplément la Lettre écrite chez les sauvages de l’Amérique, et il s’excuse de ne pas l’avoir publiée à sa date dans le cours de la Correspondance. « J’avais toujours pensé, nous dit-il, que cette lettre était une composition littéraire à mettre en dehors de la correspondance, mais certains habitués de l’œuvre de Chateaubriand ayant une opinion contraire, je m’incline devant leurs raisons. » Soit ; mais il a publié sans sourciller dans la Correspondance la fameuse Lettre au citoyen Fontanes sur la seconde édition de l’ouvrage de Mme de Staël[1], et les lettres non moins célèbres écrites de Turin, de Milan et de Rome à Joubert et à Fontanes et extraites du Voyage en Italie : or ce sont bien là, — et il s’en avise lui-même, — des « compositions littéraires » au premier chef, puisque ce sont, à proprement parler, des articles. Et je n’ai garde de me plaindre de les retrouver dans la Correspondance ; mais j’ai quelque peine à comprendre les scrupules du nouvel éditeur dans le premier cas, et son absence de scrupules dans le second.

J’aurais voulu aussi qu’il prit un parti plus net sur la question de l’orthographe. Il me semble qu’il a mêlé dans ce premier volume les orthographes les plus diverses : celle des imprimés,

  1. Pour cette Lettre, il aurait mieux valu donner le texte le plus ancien, celui du Mercure, et rejeter en notes les variantes des éditions ultérieures.