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C’était au fond la pensée même du père. Il suffit qu’elle fut exprimée avec énergie par le fils pour que toute idée de candidature fût abandonnée. Le Duc y mit de propos délibéré des conditions qui la rendaient inacceptable pour les Grecs. Devant ce refus peu déguisé, l’Angleterre entra en scène à son tour et fit agréer comme candidat le second fils du prince héréditaire de Danemark, le frère de la princesse de Galles.

De l’ensemble de la correspondance se dégagent certains traits particuliers de la physionomie du Duc d’Aumale. Il convient de les retenir si l’on veut pénétrer jusqu’au fond de cette nature si originale et si forte. De toutes les hérédités qui pouvaient peser sur lui en sens divers, celle qui lui a laissé une empreinte ineffaçable, c’est la Révolution de 1830. Il est resté jusqu’au bout l’homme des journées de Juillet, très partisan du droit populaire, passionné pour toutes les libertés, pour la liberté de penser et pour celle d’écrire, très respectueux des choses de la religion, mais aussi indépendant des coteries cléricales que des coteries légitimistes. Les préjugés de certains conservateurs, te snobisme des gens qui se croient bien pensans et qui ne voient de salut que dans leur petite église, lui donnent des nausées.

De temps en temps il a besoin de se soulager, d’ouvrir son, cœur, de crier à son correspondant la répugnance que lui inspirent les opinions artificielles de quelques salons. Il aime les gloires de son pays, il parle avec enthousiasme des grandes familles qui l’ont illustré. Mais aucun plébéien ne juge plus sévèrement les travers d’une partie de la haute société que ce prince issu de la plus vieille des races royales, mais affranchi par son éducation de tous les partis pris de classes ou de castes. Il est bien, comme il aime à le dire, le fils de la Révolution, et il se réclame en toute circonstance des principes de 1789.


A. MEZIERES.