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c’est qu’elle permettra d’ajouter quelque jour une note explicative aux œuvres de Diderot. En effet, la comtesse de Forbach, tenant à Paris la maison du duc Christian, présidait aux réceptions artistiques et littéraires de l’hôtel ou palais de Deux-Ponts où elle s’efforçait d’attirer les gens de réputation et en particulier les encyclopédistes. Or Diderot, qui lui était dévoué, reçut d’elle, certain jour, un Essai sur l’éducation qu’elle avait rédigé de sa main. Parce qu’en effet, elle avait donné quatre fils et deux filles à son époux princier, Mme de Forbach se croyait à bon droit pourvue d’une certaine expérience maternelle et pédagogique dont elle entendait faire profiter son illustre ami. Après avoir lu ces pages, Diderot y répondit par une lettre théorique importante que Naigeon a publiée pour la première fois sans nulle mention de date, avec cette seule indication qu’elle fut adressée à la comtesse de Forbach, et qu’Assezat a dû reproduire sans plus ample commentaire dans sa consciencieuse édition des Œuvres complètes du philosophe[1]. Grâce aux Souvenirs de Mannlich, la correspondante occasionnelle de Diderot sort de l’ombre où la laissaient jusqu’ici les plus soigneux commentateurs du grand publiciste. Ajoutons que Diderot se félicite dans sa réponse de se trouver à peu près d’accord avec M’"e de Forbach sur une aussi délicate matière : « Il n’y a guère, écrit-il^ de différence entre la lettre de mon aimable et belle comtesse et la mienne que celle des sexes. » Témoignage vraiment honorable en faveur des capacités intellectuelles de sa correspondante, quand même on ferait sa part à la galanterie qui s’impose en semblable occurrence. Fn outre, le roi de Prusse Frédéric-Guillaume II, neveu de Christian IV par son mariage, disait à l’un de ses familiers[2] vers la fin du siècle que la comtesse de Forbach devait être une femme très remarquable pour avoir su fixer de façon durable le duc de Deux-Ponts qui passait pour l’un des princes les plus distingués de l’Allemagne. »

Des six enfans que Mme de Forbach eut de son mari, deux fils seulement ont laissé quelque souvenir : les comtes Christian et Guillaume de Forbach furent tous deux officiers au service de la France, tous deux remarqués pour leur belle conduite au siège de Yorktown, pendant la guerre d’Amérique. Retournés en Allemagne à la Révolution, ils reçurent alors l’un et l’autre

  1. Mémoires du baron de Gagern.
  2. Mémoires du baron de Gagern.