encourageait nos grands-parens à traduire en français jusqu’aux noms propres des étrangers de marque afin d’éviter tout effort insolite à leur gosier délicat.
C’est dans ce cadre de haute allure et dans l’entourage immédiat de ce prince allemand que le témoin dont nous écouterons un instant les récits fit très ample connaissance avec la vie parisienne durant les dernières années du roi Louis XV. Les Mémoires, récemment publiés[1], peintre Jean-Christian de Mannlich sont même rédigés en français dans leur texte original, bien que leur savant éditeur, M. Stollreither, ait choisi d’en offrir une version allemande à ses compatriotes, en sorte que nous aurons à retraduire, au profit de nos lecteurs, les passages que nous croirons devoir citer mot pour mot. Nous décrirons avant tout la petite cour étrangère qui fut, au cœur même du Paris de l’Encyclopédie, le milieu à la fois patriarcal et accueillant aux choses de l’esprit où Mannlich puisa sa culture française. De cette culture, il ne put jamais secouer l’influence en dépit des obstacles bientôt dressés par les événemens révolutionnaires entre son pays d’origine et celui de son éducation esthétique. En effet, engageant de Munich une correspondance littéraire avec Gœthe en 1804[2], il se servait de la langue française pour écrire à son illustre compatriote !
L’antique maison de Wittelsbach, qui du XIIIe au XVIIIe siècle s’était partagée en d’innombrables branches, donnant des chefs au Saint-Empire et des rois à la Suède, avait vu ses rameaux se dessécher tour à tour. Le seul qui gardât postérité vers 1730 était le plus effacé, le plus médiocrement apanage de tous ; il portait le nom de deux bourgades, Birkenfeld-Bischweiler. Aussi, dès 1734, ce vert bourgeon de la souche antique obtint-il par héritage le duché déjà plus important de Deux-Ponts, situé au Nord de l’Alsace française. En 1799, il devait recueillir une plus riche succession, celle de l’électoral palatino-bavarois, bientôt transformé par la grâce de Napoléon en royaume de Bavière. Le premier duc de Deux-Pouls dans celle ligne, Christian III, avait