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LA VOCATION PAYSANNE ET L’ÉCOLE.

magne, de saint Louis et de Napoléon, dues à des lectures enfantines. La notion première, concrète et lointaine, est un point d’appel sur lequel les idées et les images nouvelles viennent se déposer en cristallisant. L’impureté relative du noyau primitif ne gêne pas le travail de cristallisation et ne ternit pas l’éclat des cristaux. Ce que nous demandons n’est après tout qu’un artifice didactique, et tout l’enseignement primaire, lecture, écriture, calcul, repose sur des artifices pareils. La morale elle-même n’est-elle pas enseignée à l’aide des contes et des fables ? Pour avoir appris une certaine sagesse dans d’adorables récits, l’enfant est-il moins bien disposé à recevoir plus tard les sévères leçons de l’éthique ?

Qu’on fasse donc venir sans crainte les plus grands personnages de l’histoire sur la petite place dont le silence n’est troublé que par le tumulte quotidien de la récréation. Le cadre est pauvre et étroit pour y loger toute l’histoire de France. Mais les écoliers le connaissent et l’aiment : et, comme ils ne l’oublieront jamais, ils garderont le souvenir des tableaux que nous saurons y mettre. Les enseignemens du lycée et de la Faculté n’y perdront rien ; la terre y gagnera peut-être quelque chose.


IV

Une autre admiration mérite encore plus la sollicitude de l’école, c’est celle du métier. Il n’est personne qui ne dise que le meilleur moyen de la servir est de développer l’enseignement agricole. L’avis est unanime et nous nous y associons pleinement. Mais il se peut que cette unanimité repose sur une confusion et sur une erreur.

La confusion est précisément celle du choix du métier et de la [vocation dont on a déjà entrevu les différences fondamentales. Il est assez ordinaire qu’on choisisse le métier dont on a la vocation, mais le contraire n’est pas rare, et plusieurs éventualités peuvent se produire. Souvent la vocation vient avec l’apprentissage, dont la vertu sur ce point est indéniable, car l’apprenti qui « sent le métier entrer, » qui reçoit les complimens du maître et prend de l’ascendant sur ses camarades, n’est pas loin de la vocation. Il arrive aussi qu’elle ne vient pas ; on reste cependant dans le métier, on l’exerce plus ou moins bien