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LE CHÂTEAU DE LA MOTTE-FEUILLY EN BERRY.

trop d’intérêt à se mettre bien avec leur puissant suzerain pour ne pas accepter avec empressement une pareille proposition. D’autre pari, César, à peine débarrassé de la pourpre cardinalice, n’avait point encore, malgré le drame de la mort de son frère Gandia, l’exécrable réputation qu’il devait acquérir par la suite. On assura de la part du roi à Alain que « ledit duc de Valentinois était un très honnête et bon personnage, sur et discret, et pour avoir et acquérir de grands biens et honneurs en ce royaume. » En outre, Louis XII donnait aux jeunes époux cent mille livres tournois, plus de nombreux autres avantages.

Le sieur de la Romagère et les autres députes du roi de France exposèrent à Alain d’Albret « qu’il voulut bien entendre et consentir au dit mariage et que, en ce faisant, ils réputeroient très grand plaisir et service par eux leur avoir été faits. » L’intérêt de la couronne de Navarre, constamment menacée par les rois catholiques, était, je le répète, tellement évident qu’Alain, de peur d’offenser le Roi, consentit aussitôt, toutefois, avec force restrictions dictées par ses intérêts particuliers, aux propositions qu’on lui faisait.

Le très curieux et considérable dossier des négociations de ce mariage essentiellement politique est encore aujourd’hui conservé intact dans les Archives de Pau, antique capitale du Béarn. Je n’en rapporterai que le résultat final, me bornant à dire qu’on y suit pas à pas l’âpre méfiance du vieil Alain qui, loin de songer uniquement aux intérêts de sa fille, s’occupe surtout des siens propres. Il fallut beaucoup discuter, beaucoup ergoter. Enfin, le 29 avril 1499, par une lettre datée de sa ville de Nérac, Alain fixa ses conditions définitives. Détail curieux et qui l’honore, il demandait entre autres choses « à voir et toucher » la dispense que, au nom de Louis XII, le sieur de la Romagère affirmait avoir été accordée à César par son père, le Pape ; car lui aussi, comme le roi de Naples Frédéric d’Aragon, n’entendait point donner sa fille à « un prêtre, fils de prêtre. » On discuta encore sur la dot de cent mille livres octroyée au Valentinois par le Roi, et sur l’étendue et la valeur vraie des revenus de celui-ci en dehors de cette dot et des rentes du duché de Valence, du comté de Die, du grenier à sel d’Issoudun, toutes faveurs accordées par le Roi. Alain donnait de son côté à sa fille une dot de trente mille livres tournois payable par échéances. Les conjoints seraient par moitié en meubles et