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mulets avec des couvertes rouges, ayant les armoiries du dit Seigneur : avec aussi force charriage de chariots, qui portaient force autres besognes, comme des lits de campagne, de la vaisselle et autres choses.

Ainsi entra pour avoir grand renom (ou bruit et renom)
Ledit, Seigneur au château de Chinon.

« Voilà, l’équipage du galant dont je n’ai rien changé du sens de l’original. Le Roi, étant aux fenêtres, le vit arriver, dont il ne faut pas douter qu’il s’en moquât, et lui et ses courtisans, et qu’ils ne dissent que c’était trop pour un petit duc de Valentinois. »

« Le cortège, dit de son côté l’ambassadeur vénitien[1], se dirigea vers le château de Chinon où devait loger le Duc : deux cents archers de la garde royale l’y attendaient. Le Valentinois mit pied à terre et se rendit auprès du roi Louis XII, qui se tenait dans la salle avec toute la Cour. Il se courba profondément, fit quelques pas, puis se courba à nouveau, puis, comme il allait se prosterner, Sa Majesté se leva pour l’en empêcher et le Duc lui baisa seulement la main. »

Les habitans de Chinon conservèrent de cette entrée extraordinaire une impression profonde. Cependant le Roi et sa Cour, ainsi que nous l’avons vu, raillèrent, entre eux « la vaine gloire et bombance sotte de ce duc de Valentinois. »

Avant la fin de décembre, le chapeau fut remis solennellement à Mgr d’Amboise. Quinze jours après, Louis XII, délivré de la dolente Jeanne, son épouse imposée depuis le Blois de septembre 1470, c’est-à-dire depuis plus de vingt-deux ans, se remaria avec la reine veuve Anne de Bretagne. Ou s’occupa aussitôt après à la cour de France de remplir la promesse qu’on avait faite à César de conclure ses noces avec une princesse française. Fort humilié par le refus définitif de la princesse Charlotte d’Aragon, celui-ci se montrait très pressé. J’ai dit que le choix du Roi était tombé sur Charlotte d’Albret, la plus belle et la plus vertueuse des demoiselles d’honneur de haute lignée

  1. Nous possédons de cette même entrée plusieurs autres récits, entre autres celui de l’ambassadeur vénitien dans les Diarii de Sanudo. Tous ces récifs offrent peu de différences. Celui de la Palatine de Florence dit que le cheval de César portait « sur la croupe un artichaut (carciofo) d’or, grand comme nature, la queue retenue par une cordelière d’or, de perles et de pierreries. »