Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/940

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont tenu le premier rang, mais pour la quantité des argiles façonnés sur le tour et cuits à la flamme, les ateliers de Corinthe n’ont pas eu de rivaux.

Quant à la peinture grecque, de ce qu’elle fut pendant les siècles qui s’écoulèrent entre l’invasion dorienne et les commencemens de l’Empire romain, en l’absence totale du témoignage des monumens mêmes de cet art, ce n’est guère que d’après la décoration des vases peints, les plaques funéraires ou votives d’argile, les sarcophages en terre cuite, du genre de ceux que la nécropole de Clazomène a fournis aux musées d’Europe, d’après les gravures en pierres fines, et celles exécutées sur les coins des monnaies, qu’on peut se faire une idée de la diversité des sujets. Certaines peintures de vases, qui imitaient jusqu’à la couleur, et reproduisaient l’effet et l’aspect d’ensemble, peuvent donc nous servir à comprendre et interpréter les témoignages des auteurs anciens qui se rapportent aux tableaux de Polygnote, de ses devanciers Boularchos, Eumares d’Athènes, et Cimon de Cleones, ses contemporains Micon et Pamenos, comme ses successeurs Parrhasios et Zeuxis. Dans les fouilles mêmes, comme celles d’Olympie et de Delphes, nulle part on n’a vu apparaître les traces du décor que le pinceau avait jadis étendu sur les champs qui lui avaient été ménagés par l’architecte [1]. Quand on a perdu de vue les ruines des édifices de la Grèce mycénienne, il faut, pour retrouver de la peinture murale, prendre le chemin de l’Italie et visiter les caveaux des nécropoles étrusques, puis descendre jusqu’au siècle d’Auguste, étudier les fresques qui décorent à Home, sur le Palatin, la maison de Livie, et surtout, près de Naples [2], celles qui ont dû leur conservation aux épaisses couches de cendres que le Vésuve a répandues sur les villes qu’il a recouvertes comme Pompéi [3] en l’an 79 après J.-C. Des tableaux peints sur bois, pas un n’est arrivé jusqu’à nous. Ils n’ont pas eu, pour les défendre contre toutes les chances de destruction, les sûres retraites des tombes de la vallée du Nil, aujourd’hui menacées par les barrages établis, et la merveilleuse sécheresse du sable qui les recouvre ; ils n’ont pas eu la même fortune que les tablettes qui, collées sur les caisses de momies, nous ont gardé les portraits des hommes et des femmes de l’Égypte ptolémaïque et romaine.

Ce n’est pas seulement en politique que les Anglais sont heureux et triomphans. En art et en littérature, ils ne sont pas moins favorisés

  1. Henri Laurens.
  2. Henri Laurens.
  3. Ch. Delagrave.