Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/936

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

temps où l’on était pressé de jouir dans un séduisant décor. Les estampes exécutées à cette époque, sont, pour la plupart, des modèles d’esprit et de délicatesse, comme celles des Nanteuil, des Edelinck, des Audran, au siècle de Louis XIV, sont des modèles de sévère beauté et surpassent les gravures de toutes les écoles, dans le genre de l’histoire et du portrait, par la vigueur de la touche et la science de l’effet, la suavité de l’exécution, le style sobre et ferme.

Le XVIIIe siècle,comme le XVIIe, mais dans un mode différent, est l’époque de l’extrême efflorescence de la gravure. Il n’est pas de période plus glorieuse dans l’histoire de l’estampe. Les grandes planches décoratives de Charles-Nicolas Cochin, Freudeberg et de Moreau le Jeune, les dessins pleins de vie des Saint-Aubin, des Ponce, des Martini, des Helman, des Dequevauviller, les compositions d’après Houcher, Fragonard, Lawrence, Baudouin, Trinquesse, Aubry, Eisen, Borel, Greuze, les vignettes de Philippe Choffard, toutes ces productions donnent assurément l’idée d’une société très libre dans sa morale, non certes la plus solidement ordonnée, mais la plus élégante, la plus brillante, la plus humaine, la plus ouverte qui fut jamais aux séductions délicates de l’art comme aux audaces généreuses de l’esprit, modèle de la politesse, du bon goût, au milieu de toutes les douceurs de la vie facile. Les estampes du XVIIIe siècle sont innombrables, mais, sur dix mille gravures peut-être dont on pourrait dresser la liste, — et dont les épreuves répétées sont le plus souvent grossières, les contrefaçons sèches et maladroites, dont les retirages en couleur pour dissimuler la fatigue des cuivres, présentent aussi peu d’intérêt pour l’amateur que pour l’historien de l’art, — deux ou trois cents à peine peuvent suffire à caractériser le génie de l’époque. C’est cette anthologie gracieuse entre toutes que contient ce recueil vraiment unique en son genre.

De leur visite aux collections publiques de l’Europe entière ainsi qu’aux fameuses collections de lady Lovelace, du baron Edmond de Rothschild, du prince Kotchoubey. De M. Guy Campbell, MM. Lawrence et Dighton n’ont retenu que les pièces capitales de la gravure du XVIIIe siècle, les pièces d’une délicatesse raffinée, d’une exécution technique irréprochable, d’après les dessins des plus savans compositeurs d’alors. Un retrouvera, entre autres reproductions magnifiques, la série complète des estampes du célèbre et rarissime recueil attribué à Restif de la Bretonne, le Monument du costume ; on aura là réunis les chefs-d’œuvre de l’estampe galante : le Billet doux, de Nicolas de Launay, son délicieux Heureux moment et Qu’en dit l’abbé ?