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Ce même jour, 7 juin, Mirabeau et Sophie arrivés de Hollande à Paris sous la conduite de l’inspecteur Bruguières, se faisaient des adieux déchirans. Sophie, muette, sombre, détournant les yeux, était dirigée dans une maison de correction de la capitale, et Mirabeau, hurlant, gémissant, en larmes, était conduit au donjon de Vincennes dans une calèche qu’il inondait de son sang ; cette hémorragie le sauvait de l’apoplexie. Misérable épave… Il unissait dans les mêmes imprécations sa sœur jadis trop aimée, Briançon qui l’avait livré, et son père… Mais s’il avait prévu quelles revanches lui étaient réservées, il eût dédaigné de donner un regard, une plainte, à son sort actuel, pour sourire à son avenir. Cette médiation que l’Ami des Hommes refusait d’accepter de Louise, il s’aviserait bientôt d’en proposer l’essai à ce fils honni, tout en le maintenant en prison ; puis il lui rendrait son affection, il récrirait son testament en sa faveur, il le nommerait au bénéfice de la donation éventuelle des biens maternels ; enfin, il le remettrait en liberté et il lui pardonnerait tout, tandis que Rongelime ne connaîtrait plus jamais que sa vengeance et que son exécration… Elle était libre encore, il est vrai, alors que son frère entrait en prison ; mais un ordre d’exil était sur le point de lui être notifié ; et des mesures plus graves, telles que sa réclusion et l’interdiction de son mari, étaient préméditées, résolues contre elle. Le 20 juin, elle reçut un ordre du Roi qui la renvoyait au couvent de la Déserte. Elle protesta, mais obéit. M. de Briançon ne la suivit pourtant pas. Il croyait qu’elle ne tarderait guère à reparaître, ainsi qu’elle en faisait le serment en pliant bagages.

Dès son arrivée à Lyon, Louise appela son mari auprès d’elle. Elle demanda aussi au ministre la révocation de son ordre d’exil. Ceci lui fut accordé très vite, le 4 juillet, sous la condition, toutefois, qu’elle ne rentrerait pas à Paris sans une permission expresse du Roi. Mais M. de Cabris, apeuré, malade, alité, lui répondit négativement le 2 juillet : « Ne pourriez-vous pas venir dans mon château ? suggérait-il. Pour ce qui nie concerne, certaines lettres me font trembler. Qu’il me serait doux, important et agréable d’avoir une conférence de vive voix avec vous ! Mesurez l’impatience avec laquelle j’attends votre réponse décisive. »

Tandis qu’elle délibérait sur le parti à prendre, le bailli de Mirabeau, stimulé, stylé, documenté à souhait par l’Ami des