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bagage technique suffisant. Les Marocains ignorent l’outillage industriel perfectionné.

Cette constatation permet de tracer notre programme : nous nous garderons d’imiter les Espagnols qui, important à Melilla de la main-d’œuvre, ont eu la prétention de faire, du Rif déjà très peuplé, une colonie de peuplement. Les ouvriers espagnols ne pourront lutter contre leurs concurrens rifains qui se contentent d’un salaire quotidien de 1 fr. 25. Nous donnerons aux Marocains l’élément dirigeant qui leur fait défaut, les ingénieurs, les contremaîtres, les chefs de culture.

Dans une société bien organisée, il faut que toute profession utile à la communauté puisse recruter facilement son personnel : on a besoin de cantonniers pour casser des cailloux sur la route et d’ingénieurs pour tracer le réseau routier. L’instruction donnée à chacun doit être dosée suivant ses aptitudes et sa profession : or en France, avec les idées qui ont cours, nous finirons par avoir bientôt plus d’ingénieurs que de cantonniers.

Puisque nous sommes appelés à présider à la transformation du peuple marocain, n’allons pas, dans notre intérêt d’abord et dans le sien ensuite, détruire chez lui l’équilibre social en distribuant à tort et à travers l’instruction supérieure ; ne prodiguons pas les brevets dont les titulaires, restant sans emploi s’ils sont nombreux, deviennent des mécontens et des déclassés.

À l’heure où nous commençons une page blanche dans le livre tout neuf des destinées marocaines, inspirons-nous des leçons de notre propre histoire et de celle de l’Europe pendant ces dernières années.

Commandant G. Reynaud.