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de lire et revoir. J’ai toutes sortes de choses en train qui chôment, surtout des études philosophiques. Je voudrais habiter une maison hollandaise, silencieuse et un peu sombre, où je n’aurais d’autre compagnie que celle de quelques amis très savans et très discrets ; je ne serais pas fâché non plus d’y avoir la société d’une bonne femme qui viendrait, de temps en temps, m’embrasser et regarder ce que j’écris par-dessus mon épaule ; mais ces conditions de bonheur ne sont pas de ce monde.

Vous me dites : « A bientôt ! » Vos bientôt sont d’une bonne longueur ; jamais je n’aurais eu plus de plaisir à causer avec vous que cet hiver, et la malchance vous a clouée chez vous. Du moins, je pense à vous bien souvent, je peux même dire tous les jours, puisque tous les jours je m’occupe de choses qui excitent votre curiosité et votre goût pour l’étude et les lettres.

Mille amitiés et respects.


Paris, 4 février 1878.

Madame et excellente amie,

… Je suis tellement chagrin de vous savoir toujours souffrante que je n’ai pas le cœur à vous parler de moi ; je trouve cela bête à la fin. Ce qui m’y décide, c’est que vous y trouvez une distraction, à cause des incidens qui accompagnent mes faits et gestes, puis je tâche par quelques digressions plus ou moins philosophiques d’effacer un peu ma personnalité. Il me sera difficile d’y réussir tout à fait cette fois, car il s’agit d’une conférence faite précisément sur moi jeudi dernier à la salle des Capucines. Je n’en avais pas été prévenu, je ne l’ai su que la veille et mes amis le savaient avant moi ; ce sont même eux qui ont fourni à Sarcey mes volumes dans le grand format, parce qu’il se plaignait de ne pouvoir lire aisément dans l’édition petit format. Il a fait un grand éloge de mon attitude à l’égard de la critique, disant que je ne me préoccupe que de mon art. Je vous répète ce qu’on m’a rapporté, car je n’assistais pas à la conférence. Il a fait des citations assez bien choisies. Les éloges l’ont emporté de beaucoup sur les critiques ; il m’a reproché seulement de ne pas toujours amener à la clarté l’expression de mes idées abstraites, mais il n’a pas blâmé mon