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accord entre l’Autriche et l’Allemagne : c’est une différence entre les politiques des deux gouvernemens en Pologne.

En Pologne existent deux nations : la noblesse et le paysan, de nature diverse, de caractère et d’habitudes dissemblables. La noblesse est inquiète, factieuse ; le paysan est tranquille, laborieux, sobre. Or, l’Autriche garde ses faveurs à la noblesse.

S’il se formait un mouvement populaire, et que l’Autriche lui vînt en aide, nous devrions nous y opposer. Il nous est impossible de permettre la reconstitution d’un royaume catholique sur nos frontières. Ce serait une France du Nord. Aujourd’hui, nous avons une France ; en ce cas, nous en aurions deux, qui naturellement seraient alliées, et nous nous trouverions au milieu de deux ennemis.

La résurrection de la Pologne nous nuirait encore pour d’autres motifs : elle ne pourrait avoir lieu sans la perte d’une partie de notre territoire. Or, il nous est impossible de renoncer à Posen et à Dantzig, parce que l’Empire allemand resterait alors découvert du côté de la frontière russe, et perdrait ses débouchés dans la Baltique.

L’Autriche sait qu’elle ne peut pas retourner en arrière, et sait aussi que nous sommes des amis loyaux. Elle est à présent dans une bonne voie, et n’a pas intérêt à l’abandonner. Si elle changeait, si elle se faisait protectrice du catholicisme, nous changerions, nous aussi, et alors, en conséquence, nous serions avec l’Italie. Pour le moment, rien ne permet de supposer que cela arrive.

Ne cherchons pas, par des soupçons, à fournir à l’Autriche un prétexte pour changer de politique. Il sera toujours temps de pourvoir aux événemens.

Le Danube ne nous regarde pas. Il n’est navigable que depuis Belgrade ; à Ratisbonne, il n’y a que quelques radeaux.

La Bosnie, ainsi que toute la Question d’Orient, ne touche pas aux intérêts allemands. Si elles pouvaient devenir une cause de querelle entre l’Autriche et l’Italie, nous en serions désolés, parce que nous verrions combattre deux amis que nous désirons voir en paix.

Au reste, si l’Autriche prenait la Bosnie, l’Italie pourrait prendre l’Albanie ou quelque autre territoire turc sur l’Adriatique.

J’espère que les relations de votre gouvernement avec celui