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II. — PARIS
A M. Depretis, président du Conseil des ministres.


Paris, 2 septembre 1877.

Excellence,

J’ai été reçu hier par le ministre des Affaires étrangères.

L’heure tardive ne m’a point permis de rapporter immédiatement à Votre Excellence notre longue conversation, qui a roulé sur divers sujets relatifs aux deux pays.

Le duc Decazes a commencé par me remercier de notre attitude à l’occasion de la question faite à la Chambre par le député Savini. J’ai répondu que Chambre et Gouvernement n’ont rien fait que leur simple devoir, car il ne pouvait assurément pas être permis qu’à la tribune italienne on discutât et critiquât les affaires intérieures de la France ; et j’ai exprimé l’opinion que les ministres français, à Versailles, auraient agi de la même façon envers nous.

S. Exc. en est venue de là à m’entretenir de la nécessité d’un accord complet entre les deux nations ; et sur ce point Elle a insisté longuement, en s’efforçant de me démontrer de quelle façon la France ne pouvait avoir pour nous que des sentimens d’amitié. Au-delà des Alpes, — m’a dit S. Exc., — se trouve une nation à laquelle la France est liée par des intérêts économiques, moraux et politiques ; et ce serait un vrai crime de troubler l’harmonie qui doit exister entre les deux peuples. S. Exc. a cependant mentionné, comme un élément de dissension possible, l’existence chez nous d’un parti qu’elle a appelé « prussien : » mais elle l’a fait très gracieusement, en me laissant apercevoir son désir que cette opinion ne laissât dans mon esprit aucune impression désagréable.

A mon tour, j’ai déclaré tout de suite que, dans notre pays, nous étions Italiens ; que tous sans distinction de parti, — et en exceptant seulement les cléricaux, — nous n’avions d’autre intérêt que celui de la nation ; et, que ce serait une erreur de présumer que nous pussions ou voulussions gouverner en suivant les conseils ou en subissant l’influence d’un gouvernement étranger quelconque. En ce qui concerne la France, tout nous porte à éprouver pour elle et à lui témoigner une sincère amitié :