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désirable, c’est aussi une vérité dont nous devons nous accommoder.

On comprend dès lors que l’Angleterre n’abandonne pas l’Espagne dans la crise actuelle. Sans doute elle lui donnera des conseils de modération, et ces conseils seront écoutés. Nous sommes convaincus qu’une entente également honorable pour les deux parties est possible entre l’Espagne et nous, et que l’Angleterre y aidera comme elle l’a fait autrefois, à la condition cependant qu’il ne s’agisse pas de revenir, dans leurs parties essentielles, sur les arrangemens de 1904 et de déposséder l’Espagne de ce qu’il y a de meilleur dans les territoires que nous lui avons librement attribués. On répond à cela qu’il sera extrêmement difficile d’organiser, au Maroc, un système politique dans lequel notre protectorat s’étendra sur tout le pays, tandis que l’influence et, pour dire les choses par leur nom, l’action politique de l’Espagne s’étendra sur une large région de ce même pays. Sans nul doute il y a là une difficulté, et nous ne nous chargeons pas d’en improviser la solution, mais, si on la cherche avec le sincère désir de la trouver, on la trouvera. On dit aussi que, d’après notre traité avec l’Allemagne, le premier chemin de fer à construire au Maroc est celui de Tanger à Fez, et qu’il est fâcheux que ce chemin de fer passe sur le territoire espagnol : c’est une seconde difficulté, mais elle est beaucoup moins grave que la première et comment serait-elle insoluble pour nous qui avons fait et qui administrons une partie notable des chemins de fer espagnols en Espagne même, sans avoir jamais de conflit avec les autorités du pays ? N’oublions pas, au surplus, qu’il s’agit seulement de la construction du chemin de fer de Tanger à Fez, et non pas de l’exploitation qui demeure un service d’Etat, et pourquoi ne pas le dire franchement ? au Maroc, désormais, l’État, c’est nous. Tout s’arrange quand on le veut bien de part et d’autre : tout s’arrangera entre l’Espagne et la France.

Il faut d’ailleurs, pour atténuer nos regrets de ce qui nous échappe, le comparer à ce qui nous reste. La partie du Maroc attribuée à l’Espagne est la plus intéressante à ses yeux parce qu’elle est, comme nous l’avons dit, le prolongement de son territoire, mais elle est d’une faible étendue relativement à la nôtre, et elle n’est pas la meilleure. Ne parlons pas du Rif, qui est un morceau osseux et difficile à prendre : il n’y a en réalité de désirable dans la partie, abandonnée à l’Espagne que cette région de Larache et d’El-Ksar que nos journaux lui ont disputée si âprement. Ce n’est pas là le vrai Maroc, ce n’en est que la bordure. La partie la plus belle, la plus riche, la plus utile du pays est celle qui s’étend des montagnes à l’Océan et