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naissance du nez, les douleurs avaient tracé deux places nacrées par où bien des larmes secrètes avaient cheminé. Les larmes avaient effacé les traces delà petite vérole et usé la peau… Les joues étaient creuses et leurs plis accusaient de graves pensées, etc. » Retirée à Montégnac, la veuve du riche Graslin devient la bienfaitrice du canton. Elle a pour guide et constant auxiliaire dans cette œuvre de bienfaisance et de régénération le curé Bonnet, en sorte que nous pouvons lier intime connaissance avec ce héros de la charité chrétienne. Il ne suffit même pas à Balzac que Véronique se soit rachetée par des années de sacrifice et de dévouement, il faut encore qu’elle soit transfigurée par l’approche de la mort. Alors seulement, par une confession publique renouvelée de la primitive Église et qui ne détonne pas dans ce milieu d’ascétisme, à la minute où l’aube du pardon divin se lève pour la pécheresse, nous recevons de ses lèvres défaillantes l’aveu de la faute ancienne. Une erreur du cœur et des sens, une déviation du sentiment maternel a jeté la malheureuse dans un abîme de honte et de regrets…

Non, en vérité, ce n’est plus ici l’œuvre de Balzac. Du roman il n’est resté que la trame, du tableau que les dessous, du portrait qu’une armature faussée. Ces adaptations qui sont des déformations, sont toujours regrettables, où qu’on nous les présente.

Tout l’effort de l’interprétation retombait sur la seule Mme Bartet. Le rôle de Véronique, continûment poussé au drame, ne lui convenait guère. Elle y a mis tout son talent et s’en tire à son honneur. M. Paul Mounet a bien fait sentir ce qu’il y a de creux et de sonore dans le rôle du curé Bonnet. L’ensemble reste terne.


Est-ce bien M. Pierre Wolff qui jadis, en des pièces d’un réalisme outrancier, nous peignait les mœurs des filles et de leurs filles ? Est-ce lui qui, plus récemment, dans une série d’œuvres tendancieuses, esquissait la morale de l’amour libre ? Est-ce lui qui fut l’apologiste du ruisseau, et le psychologue d’une humanité réduite à l’instinct ? On en doute quand on entend sa nouvelle pièce l’Amour défendu, qui semble tirée de l’Astrée si ce n’est des Amadis et qui, représentée à l’Hôtel Rambouillet, eût fait se pâmer d’aise toute la société précieuse. Nous sommes assez loin de cet état d’esprit ; c’est pourquoi on a généralement contesté à M. Pierre Wolff la donnée même de sa pièce,

La voici telle qu’elle nous est exposée au premier acte. A Nice, par un chaud après-midi, dans un salon, sur une chaise longue,