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cri déchirant de douleur, Houssaye le récompense d’un regard amical. Quiconque n’a pas manqué à la patrie a droit à sa sympathie. Mais le plus souvent il se refuse le droit de juger, presque de raconter, laissant parler les témoins et les faits. Pas de déclamation ; pas de théories ; pas de grandes peintures ni de portraits voyans. Peignant à petites touches, innombrables, pressées, en apparence menues, il semble un Meissonier de l’histoire. Soudain l’œuvre finie, il se trouve cependant avoir brossé une immense fresque épique, resplendissante de couleur et pleine de grandeur.


1814 avait paru en 1888 ; la Terreur blanche est de 1903. Ce furent quinze ans d’un fiévreux labeur : car, préparant le volume attendu, sans cesse il réétudiait les volumes parus. Je sais par expérience que le plan de Waterloo resta étalé sur sa table bien après que le livre eut vu le jour : je l’y ai encore revu, il y a quelques mois, quand déjà Houssaye semblait tout à Iéna.

Ce qui était prodigieux, c’est qu’en effet, s’il s’appliquait au labeur de l’heure, il ne s’y absorbait pas. Le 6 novembre 1894, l’Académie l’avait désigné pour le fauteuil de Corneille et de Victor Hugo, que la mort de Leconte de Liste venait de laisser libre. Il s’y était assis, le 12 décembre, avec une joie qu’il ne dissimulait pas. C’est qu’il avait pensé jeune à l’Académie « comme au sortir de l’école, les Saint-Cyriens pensent aux étoiles de général. » Lorsque, plus beau que jamais, droit, ferme, le regard lier, il entra, sous l’uniforme brodé, au son des tambours, sous la Coupole, il semblait bien en effet un maréchal, pénétrant dans une ville conquise après une belle campagne.

Mais avec les « étoiles, » il accepta les charges. Que de fois je le vis, en face d’une pile de livres « candidats aux prix, » se prendre la tête dans les mains ! « Lire, c’est déjà beaucoup. Mais étudier pour choisir avec équité ! Il y en a dix d’excellens là dedans et vingt de bons ! » Il faisait son « métier d’académicien » avec la régularité du bon soldat qui a sa consigne

Par ailleurs, président de la Société des Gens de lettres, président de la Société des écrivains militaires, vice-président de la Sabretache, vice-président de la Société des Amis du Livre, car il était bibliophile, il n’acceptait jamais l’honneur sans la