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c’est la mort de la Vieille Garde. Le poète lui-même n’a pas su mieux que l’historien au cœur chaud, mais à la langue si simple, nous faire passer un frisson par le corps, lorsque traquée « comme à l’hallali courant, le sanglier parmi la meute, » la Garde meurt sous nos yeux, paraphant de son sang la dernière page de l’illustre épopée.

La chute de l’Aigle constitue le troisième acte. Frappé à Waterloo, c’est les ailes brisées qu’il reparaît à Paris. Point de refuge assuré dans cet aire. Déjà les rets sont tendus. D’un coup de son bec encore ou de ses serres, il pourrait les rompre. Il préfère ne pas s’engager dans une lutte obscure et basse. Il laisse faire à qui la lui dispute. Il s’élève d’un coup d’aile désespéré, planant très haut, dirigeant son vol vers l’Océan où le filet anglais, finalement, le ramasse.

L’épilogue, c’est « la France crucifiée. »

Et ainsi se termine le drame. Avais-je tort de dire que c’est là une véritable trilogie antique semblable à celles dont, aux côtés de Périclès, d’Aspasie, d’Alcibiade, Houssaye avait jadis suivi les scènes au Théâtre de Bacchus. Mais que les drames mêmes d’Eschyle et de Sophocle paraissent, en dépit de leur grandeur, inférieurs à cette tragédie ! Si la « Fatalité » joue son rôle dans l’histoire des Atrides, — petits princes de la petite Hellade jetés les uns contre les autres, — avec quels sentimens plus poignans nous voyons cette Fatalité dominer le drame où sombre le grand Empereur, où la grande France semble sombrer. Elle est là, cette Fatalité, comme inéluctable ; de sa main, elle paraît bien conduire les peuples et les princes, faire plier le génie et fléchir les âmes, déjouer les plans des uns et servir les projets des autres. Elle jette une note eschylienne dans le drame qui va de Montmirail au Bellérophon.

Le chœur antique est là aussi. C’est la foule, c’est l’armée. Bien avant qu’on nous engageât à écrire pour la démocratie, Houssaye composait pour elle. Nous sommes, avec lui, loin des temps où un général seul se détachait du tableau d’une bataille, où un homme d’Etat semblait avoir vécu seul au-dessus d’une nation. Houssaye a voulu que la masse parlât et qu’on la vît agir.

Les maréchaux joueront leur rôle, mais derrière eux l’armée des humbles soldats surtout et, sous les ministres qui délibèrent, voici les faubourgs qui remuent. Houssaye interroge les