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Tel nous le voyons au lendemain de la guerre, tel il restera. Militariste, oui, mais militariste sans illuminisme : avant tout, faire que le soldat aime son métier et que le pays aime ses soldats, établir la discipline nationale, la faire aimer et honorer. « Si je reconnais avec les philosophes pacifistes, écrit-il dans une lettre dont la minute est sous mes yeux, qu’il y a vingt façons de bien servir, je pense aussi que le soldat est celui qui la sert de la façon la plus rude, la plus désintéressée et la plus efficace. Trop de jeunes gens regardent le service militaire uniquement comme une servitude. A ceux-là il faut rappeler que c’est un honneur. A tous, il faut faire sentir l’utilité et la grandeur du rôle où les appelle la Patrie. Haut les cœurs, dites-vous. Il faut dire aussi : Haut les yeux ! Il faut mettre la fierté dans l’âme inconsciente et timide des conscrits. J’admire ce vieux sergent qui, passant l’inspection de ses hommes, disait à une recrue : « Ayez donc le regard assuré ! Fixez-moi dans le blanc des yeux. Faites-moi trembler, f… ! Vous êtes soldat ! »

Nous retrouvons tous en ces lignes le Houssaye des dernières années. Mais il les eût signées en 1871. Il continua de lire Homère, mais il aima Paul Déroulède ; son peintre favori ne fut plus Apelles avec ses Aphrodite, mais Edouard Détaille : le Rêve troubla désormais plus d’une de ses nuits.


Rien n’est plus contraire à la vérité, cependant, que de représenter Houssaye roulant dès lors de grands projets d’histoire nationale. Comme l’a fait observer M. Frédéric Masson, si Houssaye eût, à cette époque, pensé écrire sur Napoléon, il n’eût pas attendu dix-sept ans pour le faire. Il est juste toutefois d’admettre que l’état d’âme créé, ou plutôt réveillé chez lui par la guerre, le prédisposait à se faire un jour l’historien de nos batailles.

L’histoire moderne, en tout cas, ne le sollicitait pas : si, au lendemain de la guerre, il entend raconter un siège de Paris, il ne songe ni à 1814, ni à 1815. Il dédie à l’amiral Pothuau un opuscule intitulé : Le Premier Siège de Paris : an 52 avant l’Ere Chrétienne, où il se déclare, bien entendu, pour le Gaulois Camulogène contre le Romain Labiénus. La conclusion de l’ouvrage, traversée d’un beau souffle, est évidemment inspirée par une pensée mélancolique : « Les flammes avaient détruit Lutèce,