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mobiles : 4° bataillon de la Seine. Quelques mois après, on se battait sous Paris assiégé. Le colonel Champion, commandant la première brigade, choisissait le jeune homme comme aide de camp. Ses futurs compagnons d’armes ne l’avaient pas vu tout d’abord arriver sans méfiance. L’un d’eux, M. Bosquillon de Jarcy, m’écrit : « Lorsqu’il fut présenté à notre colonel au Palais du Luxembourg…, j’avoue qu’il me fit une impression fâcheuse. Grand, mince, fluet même, timide et très réservé, il était loin d’avoir l’air d’un foudre de guerre… Hé bien ! nous nous étions trompés. Cet adolescent aux cheveux bouclés…, cet adolescent à l’allure timide et presque efféminée était un rude compagnon que rien ne rebutait, ni le froid intense, ni les privations, ni le manque de sommeil, et il était au contraire le premier à aller, la nuit, surveiller et réconforter les hommes qui grelottaient de froid dans les tranchées… Houssaye était un brave garçon et un garçon brave. »

Ce témoignage, si rondement formulé par un homme qui s’y connaît en courage, est corroboré par les courts billets qu’Henry Houssaye adressait à son père, « du quartier général d’Ivry. » Ce n’est plus le style des lettres de Grèce, ou, du moins, Houssaye a passé momentanément de l’Attique à la Laconie. C’est un Spartiate ; disons mieux : c’est un soldat de France. Alerte, vaillant, dur à lui-même, bon compagnon et de joyeuse humeur, la défaite l’irrite, mais ne l’abat pas. Sans doute il ne dissimule pas à son père que, chargé de porter un ordre à un bataillon isolé, il a été, le long d’une « maudite route,… » « tiré comme un lapin, » mais si le bataillon se repose quelques jours, il trouve cela « d’une monotonie insupportable, » et si la bataille recommence, il exulte : « La fête continue aujourd’hui. » Bon fils d’ailleurs, s’il s’exalte au danger, il entend rassurer son père. « Ne t’inquiète pas trop, j’ai mon étoile… Ne dois-je pas finir l’Histoire d’Alcibiade ? Et je t’aimerai encore longtemps. »

M. Frédéric Masson, qui se battait dans un bataillon voisin, a raconté à quelles affaires Houssaye avait été mêlé sous le haut commandement de l’amiral Pothuau. C’est à celle de la Gare-aux-Bœufs, — très meurtrière, — que, portant à travers la mitraille un ordre de son chef, il conquit cette croix dont l’espoir le faisait frémir de joie, le 30 novembre. M. Bosquillon de Jarcy se le rappelle au feu ; il évêque une scène de gentille crânerie : une petite colonne gravit sous des rafales de boulets