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mais ce sont les critiques justifiées dont elle fut l’objet qui induisirent, nous le savons, le jeune Marseillais à discipliner sa plume et tout d’abord son cerveau. Thiers écrivit à quarante-cinq ans l’Histoire du Consulat et de l’Empire ; il ne l’eût peut-être pas écrite avec la maîtrise qu’on sait, s’il n’eût pas, à vingt ans, publié un médiocre livre.

Il en fut de même pour Houssaye ; il n’aperçut les défauts de son style et ne les corrigea qu’en en faisant très tôt l’expérience. Il est de fait que, lisant récemment l’Histoire d’Apelles, je croyais rêver. Cela est pourtant bien signé Henry Houssaye.

Il ne nous reste rien de l’œuvre du peintre Apelles, sauf d’incertaines répliques, et la chronique est presque muette sur sa vie. Ecrire l’histoire d’un artiste en ces conditions, c’était, suivant l’expression d’un historien fort averti, « une gageure. » Ayant à sa disposition peu de témoignages, Houssaye est amené à les accepter tous, et d’ailleurs quelle critique peut apporter un adolescent dans le choix des textes ? Voilà pour le fond.

Quant à la forme, c’est pire. Henry Houssaye avait été élevé dans un milieu romantique, — arrière-romantique. Cet historien dont l’œuvre précisément se recommandera plus tard par la sobriété du style, était trop hugolâtre pour ne pas tomber, au début de sa carrière, dans l’enflure propre aux disciples hypnotisés par le maître. Il l’était allé visitera Guernesey ; il avait vu ce « fameux salon rouge » dont il a parlé ; il en était sorti transporté. Il restera d’ailleurs fidèle au culte qui y était pratiqué, si j’en crois une lettre bien postérieure à Hugo dont la minute est restée dans les papiers d’Houssaye. J’y lis : « Les romanciers cherchent à donner la vie à leur héros par de petits moyens. Vous faites les vôtres vivans par votre seule puissance créatrice, surhumaine, presque divine. » Cette lettre dut beaucoup plaire à Hugo : tout au plus put-il estimer qu’il s’y trouvait un presque de trop.

En 1867, le style de Houssaye se ressent de cette hugolâtrie. Il est à l’excès déclamatoire. Voici par exemple que les Hellènes substituent le culte des divinités de l’Olympe aux religions barbares reçues des vieux ancêtres : « Fuyez, divinités horribles à formes sinistres et burlesques, inspirant une terreur comique, s’écrie le jeune historien. Evanouissez-vous, abstractions quintessenciées, symboles obscurs, subtilités mystiques. Tombez, idoles informes, créatures hybrides, gigantesques