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historien eut le bon sens d’emprunter seulement à son père ce que celui-ci, entre pas mal de défauts brillans, pouvait présenter d’aimables qualités.

Brillant conteur, enragé mondain, Arsène Houssaye semble, aussi bien, un paradoxe vivant entre son père, rude agriculteur qui l’avait voulu mettre à la charrue, « altier, avec des colères de lion, » et son fils, historien qui, dès dix-sept ans, prendra au sérieux et presque au tragique la mission de l’écrivain. Cet homme de lettres prodigieusement fécond (seule l’Histoire du 41e fauteuil surnage, parce que l’idée en fut amusante) avait, lui, rarement pris au sérieux le passé, encore moins le présent, « ayant eu pour maîtres dans l’art de vivre, dit-il, d’Orsay et Morny : » séduisant, galant, superbe de prestance et charmant de traits, il était une fleur éclatante épanouie sur le vieil arbre solide et rugueux des Housset, fortement enraciné depuis des siècles dans le meilleur sol de France. La fleur se fit fruit : le fruit, ce fut l’œuvre d’Henry Houssaye.

Arsène Houssaye s’en montrait fier. Enumérant à la fin de sa vie, non sans un orgueil mêlé de mélancolie, les innombrables œuvres sorties de son infatigable et légère plume, il ajoute : « J’oubliais un livre, le meilleur. Celui-là a pour titre : Henry Houssaye. C’est mieux encore de faire des hommes que des volumes. »

Il avait fait un homme, et un homme qui, si supérieur qu’il fût à l’aimable écrivain dont il sortait, s’enorgueillissait de l’avoir comme père. Il y avait entre eux commerce d’enthousiaste tendresse. Lorsque, le 12 décembre 1895, Henry Houssaye prendra séance à l’Académie, ses premiers mots seront pour s’affliger de ne pas trouver, pour l’accueillir sur les bancs de la Compagnie, l’homme de lettres abondant qu’elle avait écarté. Tous les regards cherchaient le vieillard qui, plus qu’octogénaire, venait de faire son entrée au bras d’une gracieuse Antigone et que la joie redressait. Cette joie, je l’imagine volontiers après avoir feuilleté la correspondance qu’échangeaient le père et le fils, — quelque trente-cinq ans plus tôt. Le père s’y montre aussi fier du talent naissant de son fils que de sa beauté. « Je t’embrasse sur ta gerbe de cheveux, » lit-on en bas des courts billets d’Arsène Houssaye. Quant au fils, « il portait à son père, a dit un éminent témoin de la vie de Houssaye, une tendresse raisonnable, attentive, vigilante, et c’était lui qui, avec