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même l’imprimerie, la poudre à canon, l’aiguille aimantée ; puis, après l’art, l’artisan ; il lui tend la main et le relève :


Rendons enfin aux artistes la justice qui leur est due. Les arts libéraux se sont assez chantés eux-mêmes : ils pourroient employer maintenant ce qu’ils ont de voix à célébrer les Arts mécaniques. C’est aux arts libéraux à tirer les arts mécaniques de l’avilissement où le préjugé les a tenus si longtemps ; c’est à la protection des lois à les garantir d’une indigence où ils languissent encore. Les artisans se sont, crus méprisables, parce qu’on les a méprisés. Apprenons-leur à mieux penser d’eux-mêmes.


Peut-être serait-il intéressant de remarquer que Diderot appelle de ses vœux la concentration du travail, sinon dans une seule fabrique, du moins dans un même lieu, et ainsi prépare la voie à la forme moderne de l’industrie, avant ce tout-puissant agent de concentration que sera la machine à vapeur :


Pour la célérité du travail et la perfection de l’ouvrage, elles dépendent entièrement de la multitude des ouvriers rassemblés. Lorsqu’une manufacture est nombreuse, chaque opération occupe un homme différent. Tel ouvrier ne l’ait et ne fera de sa vie qu’une seule et unique chose ; tel autre, une autre chose : d’où il arrive que chacune s’exécute bien et promptement, et que l’ouvrage le mieux fait est encore celui qu’on a à meilleur marché. D’ailleurs, le goût et la façon se perfectionnent nécessairement entre un grand nombre d’ouvriers, parce qu’il est difficile qu’il ne s’en rencontre quelques-uns capables de réfléchir, de combiner et de trouver enfin le seul moyen qui puisse les mettre au-dessus de leurs semblables ; le moyen ou d’épargner la matière, ou d’allonger le temps, ou de surfaire l’industrie, soit par une machine nouvelle, soit par une manœuvre plus commode. Si les manufactures étrangères ne l’emportent pas sur nos manufactures de Lyon, ce n’est pas, qu’on ignore ailleurs comment on travaille là ; on a partout les mêmes métiers, les mêmes soies et à peu près les mêmes pratiques ; mais ce n’est qu’à Lyon qu’il y a 30 000 ouvriers rassemblés, et s’occupant tous de l’emploi de la même matière.


Mais cela nous ferait un peu dévier de notre objet ; nous y allons au contraire en droit fil, si nous remarquons seulement que, par sa direction, et de quelque manière par le sentiment dans lequel elle est rédigée, l’Encyclopédie méthodique n’est que la suite, le redoublement de l’autre ; ainsi qu’on peut le voir aux articles même médiocres, — et il en est en effet de très médiocres ; — par exemple, à l’article Atelier[1], dès qu’on ouvre

  1. Cf. au tome III (publié en 1788), les articles Industrie, Manufactures, Pauvres, et l’article Travail, au même tome III, p. 695. En rapprocher l’article Économie politique et diplomatique, qui est de Demeunier.