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coloniale dans la brousse et les travaux de balistique marine rue Royale, recevait son avancement de la rue Saint-Dominique : ce n’était pas sans inconvéniens pour elle. Aussi ne trouvait-on plus de candidats ; le corps était au-dessous de ses effectifs et beaucoup trop réduit pour les besoins de son service. Il se sentait diminué, méconnu, incertain : cela ne faisait qu’ajouter à sa faiblesse vis-à-vis des poudriers. Chargés d’ailleurs de recevoir les poudres et, par suite, de contrôler les produits de la fabrication, les artilleurs se voyaient, au nom d’un secret national, tenus soigneusement à l’écart de cette fabrication. Ils ne pouvaient juger la poudre que sur les conditions fixées par les poudriers eux-mêmes.

La confiance était donc de rigueur. Elle était d’autant plus facile que ces polytechniciens, initiés à une haute culture scientifique, trouvaient de l’autre côté, comme contradicteurs, de simples marins, issus d’une Ecole navale aux études bien arriérées et plongeant encore par un passé tout récent dans les traditions de la marine à voiles. Certains rapports de campagnes tenaient plus du navigateur que du militaire, et les réclamations des commandans, quelquefois peu réfléchies, excitaient trop souvent les dédains des corps techniques. Et puis, il fallait agir, satisfaire à un service urgent et surchargé. Il était commode, il était tentant de s’emparer de ces formules absolues, de ces moyennes, de ces méthodes élégantes et rapides pour juger, étiqueter et répartir les milliers de caisses de munitions dont on avait la gestion. Il faut avoir ces raisons présentes à l’esprit pour comprendre comment les artilleurs de marine emboîtèrent le pas au service poudrier, et le firent avec ce manque de nuances qui convient à des disciples n’ayant pas reçu les grands secrets, avec aussi la décision tranchante des hommes d’action. Ils affirmèrent donc beaucoup plus nettement que M. Vieille et soutinrent plus énergiquement la valeur probante des épreuves de stabilité.

Là est le nœud de cette situation singulière. Malgré les scrupules et les exemples de l’Artillerie de terre, malgré les plaintes et les protestations des marins, l’Artillerie navale, dont le siège est fait, défend la poudre B lors de l’Iéna, comme lors de Lagoubran, parce que les épreuves de stabilité ont été régulièrement suivies et n’ont pas prédit le danger. Après l’Iéna, le ministre de la Marine provoque une refonte du règlement sur