Page:Revue des Deux Mondes - 1911 - tome 6.djvu/572

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gâvres, ne donnait plus, à d’autres officiers du même corps, que cinquante minutes.

La poudre B forme un mélange hétérogène comparable, comme on l’a dit, à la récolte d’un champ de blé, où chaque grain peut avoir ses tares et poursuit sa vie propre. Le seul procédé de surveillance et de conservation efficace est un triage brin par brin de toute la masse. C’est ce qu’a compris le service de l’Artillerie de terre. Dès 1898, il adoptait comme règle la visite semestrielle des gargousses, visite complète, effectuée non plus sur des échantillons ou des caisses-témoins, mais sur les charges même de combat, en proportion telle que toutes les munitions aient été examinées dans l’intervalle de trois années. D’autre part, l’Artillerie s’était préoccupée de rendre plus facile, au cours de ces visites, le discernement des brins avariés ou proches du moment de leur évolution où leur résistance s’affaiblit de notable façon. Elle accueillit pour cette raison les propositions faites en vue d’introduire dans le dissolvant une certaine quantité d’un réactif nouveau, la diphénylamine. Cette substance a l’avantage de donner aux lames colloïdales de coton-poudre une coloration brune dès que leur résistance diminue sensiblement ; et la coloration s’accentue au fur et à mesure de leur transformation. Sans attacher au procédé une foi absolue, l’Artillerie y voyait un moyen nouveau beaucoup plus sensible et plus rapide et en général beaucoup plus juste que les autres de faire le tri entre les élémens sains et les élémens douteux. Elle put en outre constater que la diphénylamine augmentait de beaucoup la résistance des poudres aux épreuves de stabilité et vraisemblablement, autant que l’expérience en a pu jusqu’ici faire la preuve, la durée des munitions. Elle adopta donc le nouveau stabilisateur en 1907. En 1910 seulement, la Commission mixte des poudres de guerre suivit cet exemple en ce qui concerne les approvisionnemens de la marine ; et celle-ci recevait en magasin, quelques jours avant l’explosion de la Liberté, les premiers lots de poudre à la diphénylamine (désignée par les lettres B 0).

L’insuffisante garantie assurée par les formules générales n’en doit évidemment pas empêcher l’emploi : comme on dit, deux sûretés valent mieux qu’une. Il ne saurait donc être mauvais de soumettre à un examen plus attentif les poudres les plus âgées, d’organiser la réfrigération des soutes et d’y