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échantillon de la poudre et soumis à un examen attentif des officiers canonniers à chaque trimestre. On suppose ainsi que toutes les poudres d’un même lot, installées semblablement à bord, évoluent en même temps et d’une façon homogène dans toute leur masse. On se contente donc de surveiller le flacon : s’il donne des signes d’altération, on ouvre la caisse-témoin ; et c’est seulement si elle corrobore ce l’enseignement inquiétant qu’on descelle une des caisses de munitions proprement dites.

Enfin, on séparait en principe les poudres B et les poudres noires en les installant dans des locaux distincts. Après l’explosion de l’Iéna, cette prescription comportera l’éloignement réciproque des deux espèces de soutes.

Les épreuves de stabilité dont nous avons parlé résultent d’études faites par le service des Poudres dès 1880, et perfectionnées par la suite à l’usine du Bouchet par le service de l’Artillerie. Elles consistent à chauffer une petite quantité de la poudre aux environs de 110 degrés, et à voir combien de temps elle met pour se décomposer. En réalité, l’expérience se fractionne en plusieurs chauffages successifs laissant à la poudre des repos. C’est un moyen de classer différentes catégories de produits, suivant leur résistance, à un vieillissement artificiel. Mais on ne s’est pas borné à étudier l’action de températures si éloignées de celles que la poudre doit avoir à supporter à bord : on a refait des expériences à 75 degrés, puis à 40 degrés. Malheureusement, dans le premier cas, elles durent plusieurs semaines, et, dans le second, plusieurs années. Il était donc indispensable de s’en tenir aux épreuves à 110 degrés pour les vérifications courantes en service. M. Vieille et ses collaborateurs crurent pouvoir établir une loi de corrélation qui permettait d’inférer de ces épreuves à 110 degrés la durée probable de la poudre aux différentes températures, et, par conséquent, une limite de sa résistance dans la pratique. Cette loi est la suivante : autant d’heures aura données la poudre à 110 degrés, autant elle eût donné de jours à 75 et de mois à 40.

Sur la foi de ce principe, l’Artillerie de marine décidait la mise en observation des poudres ayant donné aux épreuves de stabilité moins de quatre heures. Néanmoins, comme l’histoire des premiers lots de poudre B avait montré leur décadence au bout d’un certain temps, on prescrivait aux commandans des