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n’avait pas jusque-là réussi à rendre sans danger. On cherchait à l’étranger comme en France. En 1884, M. Vieille trouva le moyen de donner au coton-poudre, matière pulvérulente, la cohésion nécessaire : la poudre B était créée. On s’aperçut alors qu’elle ne faisait presque aucune fumée, avantage considérable qu’on n’avait pas cherché, mais qui assurait la rapidité du tir et permettait de dissimuler les troupes. M. Vieille venait de nous procurer une supériorité indiscutable sur nos rivaux. La poudre B, disait dès le début le général de la Rocque parlant seulement de l’artillerie de marine, décuple la valeur du canon ; elle la centuple, corrigeait-il quelques années plus tard.

Le coton-poudre s’obtient en traitant le coton par un mélange d’acide nitrique et d’acide sulfurique : c’est un coton où un certain nombre d’atomes d’hydrogène sont remplacés par autant de groupes nitrés. Quels que soient les soins apportés à sa fabrication, son caractère est d’être un produit instable. A haute température, cette instabilité en fait, par la violence de la décomposition, un explosif ; mais à froid elle existe encore. Le coton-poudre dégage, en faibles quantités, mais d’autant plus activement qu’il fait plus chaud, des gaz divers, résultats derniers d’une sorte de combustion interne. Et tous les cotons-poudres connus en sont là. C’est en quelque sorte pour eux une véritable fonction normale, sans danger si elle est modérée par des dispositions convenables. Au cas contraire, elle est de nature à amener des élévations de température et même des inflammations spontanées. Les divers gaz qui se dégagent à l’état naissant forment en effet des produits nitreux dont le contact avec le coton-poudre en accélère la décomposition suivant une progression très rapide. Ces produits nitreux sont acides, si l’on imprègne la substance d’un élément basique, ils seront neutralisés, accaparés par ce dernier dès leur formation, et n’agiront plus sur le coton-poudre. On introduit à cet effet du carbonate de chaux dans les eaux de lavage. Tant qu’il existe une réserve de neutralisation, le coton-poudre, tout en se modifiant sans cesse comme font toutes les matières, d’origine vivante, n’est pas exposé à une décomposition tumultueuse.

Le coton-poudre n’est pas la poudre B. Il en est seulement la matière première. Il existe en France deux usines fabriquant le coton-poudre : l’une au Moulin-Blanc, près de Brest, l’autre à Angoulême. Les poudreries proprement dites en sont