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l’imprudence du personnel ou son indiscipline. Mais au Conseil général du Finistère, appelé à voter des secours pour les familles des victimes, un des conseillers généraux, en même temps directeur d’une des poudreries de l’Etat, M. Maissin, accusa le service poudrier de fabriquer sciemment et de donner à la marine des produits déplorables. Et cependant, après cet aveu, après la déclaration immédiate de l’amiral Bellue, commandant en chef l’escadre, et le rapport péremptoire de la commission d’enquête réfutant toutes les hypothèses autres qu’une inflammation spontanée de la poudre B, on discute encore ; aux yeux du pays, l’obscurité semble redescendre avec la contradiction sur un problème si brusquement éclairé par la grande lueur tragique de la catastrophe.

On comprend qu’il y ait pour la marine, pour les hommes destinés à vivre sur une poudrière flottante et à combattre pour le salut de leur pays avec les munitions qu’elle porte, une question primant toutes les autres, une question de la poudre B.


II

Qu’est-ce que la poudre B ?

Autrefois on chargeait les armes à feu avec de la poudre noire, mélange de charbon, de soufre et de salpêtre. C’est pourquoi le service poudrier constitué en l’an V prit le nom de service des Poudres et Salpêtres. La poudre noire est brisante, c’est-à-dire qu’elle explose brusquement, en développant d’un coup toute sa pression. On l’emploie encore à l’intérieur des obus, qu’il y a justement intérêt à faire voler en éclats. Dans une cartouche de fusil ou dans une gargousse de canon sa soudaineté est un inconvénient. Les pressions ne peuvent pas monter au-delà d’une certaine limite sous peine de détruire la bouche à feu. Le poids de la charge de poudre noire est donc étroitement limité, et la vitesse du projectile aussi.

Lorsqu’on voulut imprimer à la balle du nouveau fusil français, qui allait être le fusil Lebel, une vitesse supérieure afin d’en pouvoir réduire le calibre, on chercha une poudre progressive, c’est-à-dire développant d’une façon moins instantanée les gaz qu’elle peut engendrer et les pressions qui en résultent. On s’adressa au coton-poudre, déjà connu depuis un demi-siècle, expérimenté non sans accidens en Autriche, mais qu’on