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petit dessin, cl, cela s'ajoutant à mes explications, vous comprendrez mieux ce que je veux. Si vous trouvez que les figures sont trop nombreuses pour le sujet, vous pouvez en diminuer le nombre, pourvu toutefois que le fond ne change point : j’entends Pallas, Diane, Vénus et l’Amour…, mais il vous est interdit de rien ajouter du vôtre.


C’est le résultat de cette belle entreprise, que nous avons sous les yeux : c’est le plus mauvais tableau du Pérugin, presque aussi ennuyeux à regarder que sa description l’est à lire. Rien de ridicule comme ces petites marionnettes allégoriques répandues à l’arrière-plan : ces cygnes, ces amours, ces satyres et, toujours, cette malheureuse femme-arbuste, dont les dix doigts s’effilent en branches et palpent l’air par leurs myriades Ide papilles devenues feuilles au vent…

De quel thème ou « invenzione » est sortie l’Incoronazione ou la Cour d’Isabelle d’Este, de Lorenzo Costa, qui est placée en pendant au Pérugin ? Nous ne savons, car, sans doute, c’est de vive voix que la marquise a donné ses ordres au peintre. Mais si Lorenzo Costa n’a pas fait une œuvre aussi gauche que le Pérugin, il l’a échappé belle ! Nous comprenons bien qu’une troupe de nobles personnages, pittoresquement déguisés, est venue folâtrer à l’entrée d’un bois taillis et au bord d’un bras de mer, profondément enfoncé parmi les collines. Mais qui dira ce qu’ils font ? Qui dira, surtout, la pensée commune qui, les ayant amenés là, les réunit ? Aucun d’eux ne regarde son voisin. Nul ne s’occupe que de son action propre, qui est, à la vérité, fort singulière. Une belle dame, assise, tient dans son giron la tête d’un mouton à qui elle passe un collier de fleurs, sans le regarder. Une autre dame, en face d’elle, est également assise auprès d’un petit taureau, doux comme un mouton, et comme elle, aussi, a tressé une couronne, elle tient au-dessus de la tête bovine cette auréole de fleurs. Au second plan, une troisième couronne apparaît : ce n’est plus une tête de mouton ou de taureau qui va la recevoir, mais bien celle d’une belle dame debout en grande toilette rouge traînante, avec de ces manches tombantes, immenses et pointues par le bas que Mussati comparait à des boucliers catalans. Il nous semble bien la reconnaître pour être la fameuse marquise de Mantoue. Posant la main droite sur son cœur et relevant de la gauche le devant de sa jupe, elle penche la tête comme une victime sous le couteau du sacrificateur. C’est afin d’entrer plus aisément