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avons cru que ce besoin avait cessé. Il serait indigne de la France de s’exposer à ces reproches ou à ces soupçons. Qu’un arrangement nouveau soit utile avec l’Espagne, c’est l’évidence même. Que l’Espagne nous doive quelque chose pour le bénéfice indirect qu’elle retire de l’arrangement onéreux que nous venons défaire avec l’Allemagne, nous en sommes d’accord : l’argument a sa valeur, il ne la perd que lorsqu’on l’exagère. Qu’on s’adresse à l’Angleterre pour la faire entrer dans l’arrangement futur comme elle est entrée dans l’ancien, cette procédure s’impose. Qu’on n’oublie pas toutefois que l’Angleterre est entrée dans l’ancien arrangement comme garante de son exécution et que les raisons pour lesquelles elle l’a approuvé subsistent tout entières. L’Angleterre nous secondera si nous demandons à l’Espagne des concessions raisonnables qui ne détruiront pas dans leur ensemble les arrangemens de 1904 : dans le cas contraire, nous aurions tort de compter sur son appui. On demande à quoi nous sert alors l’entente cordiale ; mais l’Angleterre est en droit de croire qu’elle ne s’est pas formée autrefois contre l’Espagne ; et quand on ajoute que l’entente cordiale pourrait sortir affaiblie de cette épreuve, la question est de savoir si c’est l’Angleterre ou nous qui aurions le plus à le regretter.

Nous dirons pour conclure que les circonstances, celles que nous avons provoquées nous-mêmes, nous ont vendu l’amitié de l’Espagne non seulement précieuse, — elle l’a été toujours, — mais indispensable. Même au prix de quelques sacrifices, nous devons la garder. Quant à l’entente cordiale, elle est aujourd’hui le pivot de notre politique extérieure, et la responsabilité de ceux qui l’auraient affaiblie serait si grave que nul, nous aimons à le croire, ne s’y exposera.

Francis Charmes.
Le Directeur-Gérant,
Francis Charmes.