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d’Afrique. Ce dernier effort accompli, je mets pied à terre dans un petit bois. Brusquement, après quelques pas, je me trouve en face d’un arc écroulé, ce qui subsiste d’une porte de la ville dans un encadrement de verdure. Au delà, un champ d’oliviers plantés symétriquement et, sous leur feuillage argenté, l’herbe semée de pierres. À travers les branches, j’aperçois un monument en ruine. Il a été bâti au sommet d’un monticule et, sans l’écran des arbres, il commanderait un panorama immense. C’est un édifice vénérable entre tous, car il fut érigé au IVe siècle avant notre ère en l’honneur d’un prince qui régnait sur la contrée. Par une grâce providentielle, à cause de la vénération qu’il inspira longtemps sans doute aux indigènes, ce tombeau avait traversé sans grand dommage toutes les révolutions. Malheureusement, une de ses faces portait une inscription bilingue mentionnant le nom du prince et énumérant en langue lybique et en langue punique la longue série de ses ancêtres. Ce monument précieux, qui permettait de déterminer le sens exact de certains mots puniques, tenta la cupidité d’un étranger. Pareil à ces petites filles qui brisent leur poupée pour avoir un œil de verre, l’amateur en question démolit le mausolée et s’appropria l’inscription. Le nom de cet homme mérite d’être conservé. Il s’appelait sir Thomas Read et exerçait les fonctions de consul d’Angleterre à Tunis. L’inscription achetée, après sa mort, par le gouvernement de Sa Gracieuse Majesté, est allée rejoindre les marbres du Parthénon au Musée Britannique.

Je m’éloigne mélancoliquement du pauvre tombeau profané et je suis à pas lents le sentier qui se fraie un passage à travers les oliviers, quand mes yeux sont frappés par une vision charmante : un triangle doré par le soleil se détachant en vigueur sur le fond bleu foncé du ciel. Encore quelques pas et je suis au pied d’un édifice aux trois quarts ruiné, dont la façade principale a gardé, par un miracle d’équilibre son intégrité et sa fierté native. Une inscription, sur l’architrave, nous apprend que ce temple, édifié sous le règne de Marc-Aurèle, non avec les deniers publics, mais aux frais de deux particuliers, était consacré à la triade capitoline du Panthéon romain, Jupiter, Minerve et Junon. Le fronton est soutenu, comme celui de l’Érechthéion d’Athènes, par quatre colonnes. Là, d’ailleurs, s’arrête la ressemblance ; au lieu de se réclamer de l’ordre ionique, ces colonnes sont corinthiennes et ne révèlent pas cet