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que les intentions de l’armée de l’Est de marcher sur Belfort se manifestent, et alors toutes les forces allemandes se réunissent pour couvrir l’armée de siège et repousser notre armée, qui est obligée de battre en retraite. Entre temps, deux corps d’armée allemands sont venus des environs de Paris, à travers toute la France, couper ses lignes de communication de la vallée de la Saône et la rejeter dans le Jura, d’où elle est obligée de chercher un refuge en Suisse. Encore une armée perdue ; c’est la troisième que nous perdons complètement dans cette malheureuse guerre, et la cause de cette perte est encore à imputera l’application des doctrines de guerre du XVIIIe siècle, de cette époque où faire lever un siège était un résultat suffisant pour une campagne.

Mais pourquoi débloquer Belfort ? Les places fortes sont faites pour être assiégées et tant qu’elles résistent, elles remplissent leur office. S’il faut encore leur envoyer des armées de secours, ce n’est vraiment pas la peine de les ériger à grands frais et de leur affecter des garnisons, qui sont toujours autant de pris sur l’ensemble des forces du pays.

Loin de moi la pensée de proclamer ici l’inutilité des places fortes et de la défense des positions en général. Dans la défense des Etats, il y a toujours sur les routes d’invasion des points dont il importe d’interdire à tout prix la possession à l’ennemi, telles sont aujourd’hui par exemple les voies ferrées de pénétration, et les places fortes à grandes dimensions et à forte garnison sont pour cela nécessaires. D’autre part, les manœuvres des armées comportent le plus souvent un champ offensif et un champ défensif. Dans la zone offensive, il faut pouvoir réunir et faire mouvoir en toute liberté la plus grande partie de ses forces, et pour cela on tâchera d’attirer et d’immobiliser dans la zone défensive, avec le moins de monde possible, la majeure partie des forces ennemies. C’est dans ce cas que l’occupation de solides positions renforcées au besoin par la fortification peut rendre les plus grands services. Mais ce ne doit être jamais là qu’une partie de la manœuvre, dont le but final doit toujours être l’offensive, condition première et indispensable du succès.

Dans cet énoncé sommaire des principaux événemens de la guerre, j’ai seulement voulu faire ressortir les erreurs de doctrines commises par notre armée, d’une part, en adoptant partout, d’une façon systématique et d’entrée de jeu, une attitude