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on perdra tout l’espace nécessaire pour gagner un temps suffisant qui permette d’avoir toutes ses forces réunies pour attaquer.

Ainsi se manifeste bien nettement la mentalité de l’armée allemande qui permet de dire au général von der Goltz dans sa « Nation armée : » Pour les Allemands, faire la guerre, c’est attaquer.

Du côté français, les projets élaborés pour le cas d’une guerre avec la Prusse présentent un tout autre caractère. Il y est bien un peu question d’offensive ; mais, ce qui montre l’état des esprits, on désigne comme objectif à cette offensive le pont de Maxau, c’est-à-dire un point géographique et son but n’est pas la bataille, mais. une marche en avant pour séparer les Etats de l’Allemagne du Sud de ceux du Nord.

C’est une pure conception du XVIIIe siècle : l’objectif est un point géographique, et l’on prétend arriver au but poursuivi par une manœuvre, dans laquelle n’entre pas la prévision d’une bataille. Cette velléité d’offensive n’apparaît même que bien timidement, tandis que les mémoires du temps s’étendent longuement sur les dispositions à prendre pour la défense du territoire. Les descriptions des positions de Freschwiller et de Spicheren y sont minutieusement faites ; on prévoit même les ouvrages de fortification passagère à y installer, ainsi que la conduite des troupes qui doivent les occuper. Et cependant ces deux positions, dont on s’était plu à exalter les mérites, furent le théâtre de nos deux premières défaites.

C’était donc bien la guerre de position qui était en ce moment dans l’esprit de notre haut commandement, dont la seule préoccupation paraissait être ainsi la défense du terrain. C’est l’erreur la plus grave qu’on puisse commettre ; elle exclut l’idée de manœuvre, elle entraîne la division des forces et amène fatalement la défaite.

La défense du pays n’est pas la défense des frontières, s’écrie quelque part le général Cardot, on ne défend ni les Alpes ni les Vosges, ni la Meurthe ni la Meuse, on défend la France, et pour cela le but à atteindre est la destruction des forces armées qui la menacent, où que soient ces forces.


La différence de doctrine des deux armées apparaît par la suite dans tous les actes des belligérans.