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tout cela n’a aujourd’hui qu’un intérêt rétrospectif : il s’agit maintenant de savoir quels sont les termes précis des deux arrangemens, et nous le saurons sans doute bientôt. Dans le premier, l’arrangement sur le Maroc, il semble bien que, sur les points essentiels, satisfaction nous ait été donnée. Si le Maroc reste soumis aux servitudes économiques dont nous avions déjà accepté le principe à Algésiras, au point de vue politique, notre liberté y est entière. On nous l’a reconnue de mauvaise grâce, accordée morceau par morceau, difficultueusement, en essayant de reprendre d’une main ce qu’on nous donnait de l’autre. L’opinion chez nous s’est plus d’une fois irritée de ce que ces procédés, dans leur répétition continuelle, ajoutaient de désobligeant à ce que l’acte d’Agadir avait eu de brutal. Nous ne recommanderons certainement pas la manière de M. de Kiderlen à un négociateur qui A’oudra laisser de bonnes impressions au pays avec lequel il traite et inaugurer par là avec lui des rapports cordiaux. Toutefois, l’Allemagne a fini par s’effacer politiquement devant nous au Maroc ; nous ne l’y trouverons plus devant nous comme un obstacle. Nous ne pouvions guère lui demander, et nous ne lui demandions pas davantage : le reste nous regarde. Nous ne nous dissimulons pas que l’œuvre sera longue, coûteuse, souvent pénible : elle n’est cependant pas au-dessus de nos forces, si nous nous y appliquons avec esprit de suite. C’est le vœu que nous faisons et le seul que nous puissions faire aujourd’hui, puisque nous sommes au Maroc et qu’il est trop tard pour nous demander si nous aurions dû y aller.

Quant au Congo, et bien que là encore l’Allemagne n’ait pas complètement maintenu ses prétentions du début, les concessions que nous avons été obligés de lui faire nous resteront sur le cœur. L’opinion ne s’y résignera pas facilement. Quelques personnes s’en étonnent. Après avoir énuméré les avantages que le désistement politique de l’Allemagne nous procure au Maroc, elles font remarquer que, puisque nous avons payé à l’Angleterre et à l’Italie un désistement du même genre, il est naturel que nous le payions aussi à l’Allemagne. Sans doute, disent-elles, l’Allemagne ne nous donne au Maroc rien qui lui appartienne ; mais n’en a-t-il pas été de même de l’Angleterre ? N’en a-t-il pas été de même de l’Italie ? Est-ce que le Maroc leur appartenait ? A quoi nous répondrons que, si le Maroc n’appartenait pas à l’Angleterre, nous lui avons, comme on dit avec une merveilleuse impropriété de termes, donné en échange l’Egypte qui ne nous appartenait pas davantage. De même pour l’Italie que nous avons dédom-