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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




En dépit des préoccupations qui nous viennent d’ailleurs, notre pensée ne saurait se détacher de l’effroyable catastrophe de la Liberté. Les funérailles des victimes ont eu lieu en grande pompe à Toulon. La cérémonie a été touchante : tous ceux qui y ont assisté en ont rapporté, en même temps qu’une émotion profonde, la satisfaction mêlée de tristesse qui accompagne un devoir douloureux mais bien rempli. Le témoignage rendu à nos morts a été digne d’eux. Les discours prononcés sur leurs cercueils ont exprimé le sentiment du pays, et nous pouvons dire du monde entier, car toutes les nations ont été représentées à ces obsèques grandioses, où la députation des officiers et des soldats de la marine anglaise a été particulièrement remarquable et remarquée. La France ne peut qu’être reconnaissante des marques de sympathie données à son deuil. Enfin les abstentions et les exclusions regrettables qui avaient eu lieu après l’explosion de l’Iéna, ne se sont pas reproduites. M. le président de la République, entouré des présidens des deux Chambres et des ministres, a paru sur la place publique au moment même où l’évêque de Fréjus donnait l’absoute, et les membres du clergé ont pris la place qui leur avait été assignée dans le cortège qui s’est formé ensuite. La séparation de l’Église et de l’État n’entraine nullement comme conséquence celle de l’Église et de la patrie française, dont l’État n’est qu’un organe. Les opinions, les sentimens religieux méritent, comme les autres, d’être respectés en tout temps, et doivent l’être encore davantage, s’il est possible, sous le coup d’un malheur qui afflige et unit tous les citoyens. La journée a été ce qu’elle devait être : mais puisse-t-elle ne jamais se renouveler !

C’est le vœu que tout le monde forme : il appartient plus spécialement à M. le ministre de la Marine d’en assurer la réalisation. M. Delcassé