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nous lire depuis quelques années nous reconnaîtront le droit de n’être pas surpris.

La nouvelle de ces derniers jours est que nos négociations avec l’Allemagne ont pris la bonne voie et que, grâce à l’habileté, à la souplesse, à la fermeté de M. Jules Cambon, nous sommes à la veille d’en voir se terminer le premier acte. Elle nous arrive d’ailleurs enveloppée de nuages ; nous ne connaissons pas encore les termes de l’arrangement ; mais, puisqu’on nous dit qu’il n’y a plus de difficultés de principe, il est permis de croire que l’Allemagne a finalement admis ceux que nous avions posés et sur lesquels il nous était impossible de céder, ou même de transiger. Elle avait émis, on s’en souvient, la prétention d’entrer en participation avec nous dans les travaux publics à exécuter au Maroc, et cela d’après des proportions différentes suivant les provinces de l’empire chérifien. L’intérêt politique des travaux en cause était incontestable, de sorte que l’Allemagne, après être sortie du Maroc par la porte, y serait rentrée par la fenêtre. Nous ne pouvions évidemment pas y consentir. Nous ne pouvions pas non plus lui accorder des privilèges économiques, car c’était bien des privilèges qu’elle demandait. L’Acte d’Algésiras nous l’interdisait, et quoiqu’il fût convenu, à notre grand regret, que cet Acte était devenu caduc, il était facile de prévoir que les autres puissances ne renonceraient ni au profit de l’Allemagne, ni même à celui de la France, aux avantages économiques qu’il leur assurait. Ces avantages se résument dans un seul mot : l’égalité. L’Allemagne devait donc être ramenée au droit commun et elle a fini par s’en contenter : on ne saurait donner une interprétation différente au fait, affirmé par les agences officieuses, que les difficultés de principe ont été dissipées entre elle et nous. Ce point obtenu, la suite de la négociation devenait plus facile : on ne se butait plus à des obstacles infranchissables. Toutefois, il restait des questions délicates à résoudre, dont les deux principales sont celle des protégés que les puissances ont au Maroc et celle des capitulations. Elles ne peuvent être résolues en fait que dans l’avenir : mais on comprend que le gouvernement de la République ait tenu dès maintenant à faire reconnaître en droit par l’Allemagne les principes qui détermineront leur règlement ultérieur. Que la situation actuelle du Maroc fourmille d’abus, qui deviendront de plus en plus intolérables lorsque la lumière de la civilisation les éclairera, rien n’est plus sûr. Les puissances ont trop de protégés indigènes, et le jour viendra où elles ne devront plus en avoir aucun. Les juridictions consulaires ne sont que des pis aller nécessaires