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Le clergé remporta la victoire ; mais, comme l’observe l’historien des États, Richer, « si l’article du Tiers ne fut pas inscrit parmi les lois fondamentales du royaume, il fut gravé désormais dans le cœur de tous les Français. » Aussi bien c’est ce qui advint : « Par le triomphe des idées gallicanes, dit M. Hanotaux, la maxime du droit divin devint pour le pays la pierre de touche du patriotisme. »

Tel frondeur en est agacé : « Impossible d’ouvrir un livre touchant à la politique sans y trouver ces expressions : Image de Dieu, lieutenant de Dieu, ou autres analogues ; c’est leur jargon ordinaire. »

Ce jargon fut celui des plus grands esprits du XVIIe siècle, des philosophes comme Domat, des logiciens comme Nicole, des plus hautes intelligences comme Bossuet et Fénelon.

Contrairement aux parlementaires, aux gallicans et aux protestans, les Jésuites prétendaient que le pouvoir des rois venait d’une délégation populaire. Et l’on en voit les conséquences : du moment où le Roi tenait son pouvoir du peuple, il était soumis au Pape qui tenait le sien de Dieu. Aussi, par une logique déduction, les Jésuites, — reprenant la doctrine des « romains » (ultramontains) du Moyen Age, — en arrivèrent-ils à soutenir au XVIIe siècle, ce qui provoquait les plus virulentes protestations du Parlement, que les souverains pontifes avaient le droit de déposer les rois de France, voire de les punir de la peine de mort.

Et ceci n’était pas simple discussion théologique : sans parler des grands conflits du Moyen Age, de l’excommunication de Robert le Pieux, de celle qui faillit atteindre Philippe le Bel et qu’il n’évita que par le coup de force d’Anagni, ne vit-on pas en pleine Renaissance Jules II offrir la couronne de France au roi d’Angleterre et préparer la déchéance de Louis XII ?

La controverse avait commencé dès les premiers temps de la monarchie. Au XIIe siècle, Jean de Salisbury, évêque de Chartres, estime que les rois ont reçu leur autorité d’une délégation populaire, tandis que Suger est pour le droit divin ; au siècle suivant, Vincent de Beauvais est pour le droit divin, mais avec ce détour que l’autorité, venue de Dieu, est mise entre les mains du souverain par l’Eglise. « Dans l’Ancien Testament, dit-il, le sacerdoce a d’abord été institué par Dieu, et seulement ensuite le pouvoir royal a été, sur l’ordre de Dieu,