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sujets qui viendraient lui soumettre leurs querelles. Cependant Louis XIV encore recevait chaque semaine ceux qui se présentaient, et les plus pauvres, les plus mal vêtus. Dans ce moment, les princes du sang, qui se trouvaient à la Cour, se groupaient auprès du Roi : les bonnes gens passaient devant lui à la queue le leu, et lui remettaient en propres mains un placet où leur affaire était exposée. Ces placets étaient déposés par le Roi sur une table qui se trouvait près de son fauteuil et ensuite examinés par lui en séance du Conseil, comme en témoigne la mention « lu au Roi, » que nous trouvons sur nombre d’entre eux. A Versailles, cette cérémonie avait généralement lieu dans la grande galerie.

Louis XIV en parle dans ses Mémoires :

« Je donnai à tous mes sujets, sans distinction, la liberté de s’adresser à moi, à toute heure, de vive voix et par placets. » Puis, « ne trouvant pas que cela fût commode, ni pour eux, ni pour moi, je déterminai un jour de chaque semaine, auquel tous ceux qui avaient à me parler, ou à me donner des mémoires, avaient la liberté de venir dans mon cabinet et m’y trouvaient appliqué à écouter ce qu’ils désiraient me dire. »

Une gravure populaire représente Louis XIV donnant une de ces audiences publiques. La disposition n’en est guère différente de celle que l’on voit sur la miniature représentant Charles V à l’huis du Louvre. Et au bas on lit cette légende :

« Voici le grand roi Louis XIV. Il donne audience aux plus pauvres de ses sujets pour terminer promptement leurs différends. Salomon s’assit sur le trône pour juger ces deux pauvres femmes qui plaidaient à qui serait l’enfant. Notre monarque l’imite parfaitement et nos grands rois et empereurs Charlemagne et Louis-Auguste (sans doute saint Louis) : ils donnaient des audiences publiques comme lui ; ils y étaient obligés par la loi expresse et l’avaient fait publier par tout le royaume. »

Le nombre des placets augmentant encore, on dut fixer, pour les recevoir, au lieu d’un jour, deux jours par semaine. Une table était dressée dans l’antichambre où le Roi soupait ; quand le prince ne pouvait y prendre place, son fauteuil demeurait vide auprès de la table, derrière laquelle le secrétaire d’État de la Guerre se tenait debout. Après que la foule des