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nécessaire, il convient de mettre à sa disposition un organe spécial qui lui permette de prendre des décisions éclairées et judicieuses.

Quelques mots sur la manière dont le haut commandement fut organisé et fonctionna à différentes époques ne seront peut-être pas inutiles.

Dans un État monarchique, l’instruction militaire constitue l’une des parties les plus importantes de l’éducation du souverain ; celui-ci exerce habituellement le commandement de toutes les forces de terre et de mer ; c’est un véritable généralissime. Lorsque ce monarque possède une grande valeur militaire, ou lorsqu’il est bien secondé par un homme de guerre dont il suit volontiers les conseils, ce procédé procure certes le rendement maximum de la machine militaire et les meilleurs résultats. Nous verrons plus loin ce système fonctionner sous deux formes différentes, en France sous Napoléon, en Allemagne pendant la campagne de 1870-1871.

Les régimes démocratiques, généralement soupçonneux, craignent toujours de donner des pouvoirs trop étendus à leurs généraux et sont hostiles à la conception d’un généralissime. Alors, ou bien le pouvoir central assume lui-même la tâche de diriger l’ensemble des mouvemens : tel fut le cas sous le Directoire ; ou bien il délègue son pouvoir non à un homme, mais à une collectivité, comme le fit la Convention au Comité de Salut Public. Il y a là un certain danger parce que les collectivités tendent toujours à intervenir clans la conduite même des opérations militaires, comme nous l’avons vu par la lettre de Bonaparte.

Cependant l’inconvénient résultant de l’absence d’un généralissime disparaît parfois lorsque, dans la collectivité chargée de la direction d’ensemble de la guerre, se trouve un homme supérieur qui possède, avec la compétence voulue, assez d’autorité morale pour dominer ses collègues et leur imposer sa volonté. Cela s’est produit sous la Convention, où les décisions militaires du Comité de Salut Public étaient dictées par le grand Carnot, appelé à juste titre l’organisateur de la victoire. Il fut en fait, à cette époque, un véritable généralissime sans le titre. Non seulement il déterminait la répartition des forces,