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LE HAUT COMMANDEMENT.

Des polémiques nombreuses d’où la passion politique ne fut malheureusement pas exclue, s’élevèrent de tous côtés jusqu’au jour où le gouvernement prit le parti de régler enfin d’une façon précise, par deux décrets du 28 juillet 1911, la question du haut commandement. Cependant la publication de ces décrets ne mit pas fin aux discussions, car ils ne pouvaient donner satisfaction à toutes les intransigeances qui forment, en définitive, les deux extrêmes suivans.

Les uns, ennemis du gouvernement établi, voudraient qu’un chef militaire fût maître absolu en tout ce qui concerne l’organisation et l’emploi de la force armée, indépendamment de toute action gouvernementale. D’autres, qui n’ont que méfiance et suspicion à l’égard des chefs de l’armée, voudraient leur enlever presque tout pouvoir, jusqu’à la conduite des opérations militaires.

Avant de discuter très sommairement ces deux opinions opposées et irréductibles, il semble utile de bien définir les termes dont nous nous servirons.

Le haut commandement comprend l’ensemble des officiers généraux commandant des unités supérieures au corps d’armée, avec leurs états-majors propres, avec tous les organes spéciaux dont ils font partie ou qui sont soumis à leur autorité (Conseil supérieur de la Guerre, Comité d’état-major, École supérieure de Guerre, Centre des Hautes Études militaires) et enfin de l’état-major général de l’armée.

En cas de guerre, les forces françaises de l’armée de terre seraient réparties suivant les nécessités en armées et en groupes d’armées ayant chacun un théâtre d’opérations distinct. D’après le décret sur le service des armées en campagne, « le commandant de toutes les troupes réunies sur un même théâtre d’opérations est un général de division qui a le titre de commandant en chef. Il reçoit du président de la République une commission temporaire. » Le commandant d’une armée qui opère isolément prend aussi le titre de commandant en chef.

Ainsi, en cas de conflit avec l’Allemagne, nous aurions un groupe principal d’armées opérant sur notre frontière du Nord-Est et commandé par un officier général commandant en chef qui, jusqu’à ces derniers temps, était le vice-président du Conseil supérieur de la Guerre. Puis, sur d’autres théâtres d’opérations, nous aurions, soit des armées, soit des groupes d’armées secon-